Emancipation ouvrière et représentativité syndicale

, par udfo53

En 2006, le rapport Hadas-Lebel considérait que le rôle du mouvement syndical était avant tout de faciliter le dialogue social dans l’entreprise. Il en concluait que la représentativité syndicale pouvait se mesurer de manière ascendante, résultat d’entreprise après résultat d’entreprise. Il a été, en ce sens, le précurseur de la réforme de la représentativité syndicale et de la loi du 20 août 2008.

À cette vision « utilitariste » du syndicalisme, nous opposions une vision « confédéraliste » : non ! une confédération n’est pas le conglomérat de sections syndicales d’entreprise. Nous rappelions encore une fois que le syndicalisme confédéré n’entendait pas voir ses prérogatives et ses missions confinées au périmètre de l’entreprise.

C’est à l’aune de ce qui précède que l’on doit juger deux mesures a priori distinctes, mais qui se rejoignent dans cette vision « utilitariste » d’un syndicalisme que l’on aimerait voir réduit à une machinerie électorale :

 la première est la faculté offerte par la loi du 20 août 2008 aux patrons des entreprises de moins de 200 salariés de négocier avec les IRP en l’absence de délégués syndicaux. Cela nous avait amenés à dire que les signataires de la position commune ne concevaient la présence syndicale que dans les entreprises de plus de 200 salariés et permettaient de laisser plus de la moitié des salariés de ce pays (et précisément ceux qui en ont le plus besoin !) à l’écart du syndicalisme confédéré. Cela confirmait une préférence pour le dialogue entre « experts du dialogue social », qui seraient les « professionnels syndicaux » et les DRH dans les grandes entreprises.

 la deuxième est la décision de limiter l’accès aux Instituts régionaux du travail aux seuls salariés qui relèvent du Code du travail (excluant de fait les chômeurs, les retraités ou les fonctionnaires) d’abord, puis de compléter cette mesure par l’interdiction faite à ces mêmes instituts de rembourser les pertes de salaires des stagiaires.

En d’autres termes, c’est réserver les Instituts aux seuls « professionnels syndicaux » des entreprises accordant des droits syndicaux suffisants.

Quels programmes devront être alors proposés à ces experts ? Les subtilités de la NAO ?, de la RSE ? de la RTT ? Exit donc les sujets qui ne les « concerneraient » pas (comme cela a été reproché à un institut) ?

• La LOLF et la RGPP.

• Les ressorts économiques de la Constitution européenne ?

• La mondialisation, le FMI, l’OMC…

Bref, ces experts syndicaux devront être formés (« formatés ») à ne pas contester ces choix politiques, économiques et sociaux, et à accepter de s’insérer dans les « marges de manœuvre » que l’on voudra bien leur laisser.

Si cette démarche devait s’avérer pérenne (et FO semble bien être la seule à refuser cette orientation qui ne paraît pas émouvoir les autres confédérations) et si l’Université se voit interdire de jouer son rôle dans cette vision progressiste, il faudra bien alors que le mouvement syndical tienne « les deux bouts de la ficelle » :

 gagner la bataille de la représentativité à travers les élections dans les comités d’entreprise,

 maintenir la tradition émancipatrice des travailleurs en palliant la défection des Instituts.

Après le Congrès confédéral, nul ne peut douter que Force Ouvrière relèvera le défi.

Article de René VALADON, secrétaire confédéral Mars 2011