Instances représentatives du Personnel Comité d’entreprise : désignation d’un expert comptable

, par udfo53

Les récentes vagues de plans sociaux ont remis en lumière le droit que possèdent les représentants du personnel d’un comité d’entreprise ou d’établissement à faire appel à une expertise comptable capable d’examiner la réalité des comptes d’une société ou celle des motifs économiques avancés par l’employeur pour procéder à des licenciements économiques. A plusieurs reprises, ce contrôle, auquel la jurisprudence vient d’asseoir le champ, a permis de confirmer que la crise avait souvent bon dos.

Dans une décision du 18 novembre 2009, la Cour de cassation vient d’affirmer clairement le droit pour un comité d’établissement de se faire assister d’un expert comptable pour l’examen annuels des comptes de celui-ci, précisant au passage l’étendue de la mission de l’expert et la nature des documents qu’il peut exiger (Cass. soc. 18-11-09, n°08-16.260, PBR).

L’employeur contestait le droit pour ce comité de désigner un expert-comptable pour procéder à l’examen annuel des comptes de l’établissement en « alléguant que la délégation de pouvoir du chef d’établissement était très limitée et ne portait pas sur la comptabilité, centralisée au niveau national ». Il soutenait au moyen de son pourvoi en cassation que l’établissement en question ne disposait pas de comptes annuels propres : l’établissement « ne disposait pas d’un service comptabilité et les documents comptables exigés par la loi étaient établis au niveau national à partir de données transmises par les services administratifs des différents établissements régionaux ».

La Cour de cassation n’est pas rentrée dans ce jeu considérant qu’il n’y a pas lieu d’examiner si la subdélégation partielle de pouvoirs consentie au responsable lui conférait ou non un pouvoir de décision en matière de gestion comptable de l’établissement. Pour elle, la « mise en place d’un comité d’établissement suppose que cet établissement dispose d’une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l’activité économique de l’établissement ». La Haute Cour reprend à son compte la règle énoncée par la Cour d’appel de Toulouse qui avait jugé que « la qualité d’établissement distinct implique nécessairement que le responsable de cet établissement dispose des pouvoirs de gestion financière et sociale suffisants ». En résumé, la faculté de recourir à un expert comptable au niveau de l’établissement est reconnue dès lors qu’existe un comité d’établissement, sans qu’il y ait besoin de rechercher la nature et l’ampleur des pouvoirs confiés au chef d’établissement. Pour fonder sa décision, la Cour de cassation s’appuie sur l’article L.2327-15 du Code du travail qui précise que « les comités d’établissement ont les mêmes attributions que les comités d’entreprise dans la limite des pouvoirs confiés au chef d’établissement ».

Le fait que le comité central d’entreprise soit déjà assisté d’un expert-comptable pour l’examen annuel des comptes de l’entreprise ne prive pas le comité d’établissement du droit de désigner également un expert-comptable chargé de lui fournir tous les éléments d’ordre économique, social et financier nécessaires à la compréhension des documents comptables de l’établissement et à l’appréciation de sa situation. Pour l’employeur, la mission de l’expert comptable désigné par le comité central d’entreprise s’étendait à l’ensemble des secteurs d’activité et des établissements de l’entreprise, de sorte qu’il suffisait au comité d’établissement de se référer au rapport de cet expert pour disposer d’informations sur la situation économique de l’établissement. La Cour de cassation n’a pas retenu cet argument se basant sur les articles L. 2325-35 et L. 2325-36 du Code du travail pour admettre deux expertises concomitantes à deux niveaux différents.

Loin d’être à court d’arguments, l’employeur contestait également l’étendue de la mission de l’expert comptable. Pour lui, la mission de l’expert comptable ne pouvait porter que sur la gestion comptable de l’établissement, de sorte qu’il ne pouvait solliciter du responsable de l’établissement que la communication des documents relatifs à la gestion de l’établissement sans pouvoir exiger la communication d’informations juridiques, économiques, comptables et financières relatives à la société et aux autres services régionaux.

Une nouvelle fois, la Cour de cassation rejette les arguments de l’employeur. Elle relève que « la mission de l’expert n’était pas exclusivement comptable et devait permettre au comité d’établissement qui le désigne de connaître la situation de cet établissement secondaire dans l’ensemble de l’entreprise et par rapport aux autres établissements régionaux de service après vente avec lequel il doit pouvoir se comparer ». L’expert pouvait donc demander la transmission de tous les documents nécessaires à l’accomplissement de la mission qui lui avait été confiée, y compris des documents extérieurs à l’établissement. La Cour de cassation prend le soin de rappeler qu’il appartient « au seul expert comptable, qui a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes, d’apprécier les documents utiles à sa mission » (art. L.2325-37 du C. du trav.). Sa mission n’étant pas exclusivement comptable et nécessitant une comparaison avec les autres services régionaux, l’expert pouvait exiger la communication de documents autres que comptables, comme des documents juridiques, économiques et financiers, et la transmission d’informations autres que celles relatives à l’établissement.