TITRES-RESTAURANT 2014 : EN AVANT LA DÉMATÉRIALISATION !

, par udfo53

Après deux ans de discussions tendues entre les opérateurs de la distribution des titres-repas émis sur support papier (Chèque Déjeuner, Sodexo, Edenred, Natixis) et les futurs entrants que sont Moneo-Resto (règlement par carte type bancaire) et Resto Flash (paiement par smartphone), le gouvernement a en effet tranché par décret* : depuis le 2 avril 2014 les titres-restaurant peuvent être émis sur un support papier ou sous forme dématérialisée.

UN AVANTAGE POUR LES SALARIÉS ET UN VÉRITABLE MARCHÉ

Avantage indéniable pour les salariés, il constitue également un marché considérable qui suscite des convoitises commerciales : plus de 700 millions de titres émis chaque année, près de 3.5 millions de titres utilisés par jour travaillé, 120.000 entreprises utilisatrices, un marché de plus de 5 milliards d’Euros.

Quelques chiffres encore : en 2011 la valeur faciale moyenne était de 7.31 €, 180.000 établissements agréés par la CNTR (Commission Nationale des Titres Restaurant), une participation de l’employeur qui peut être de 50% à 60 % de la valeur du titre dans la limite du plafond d’exonération de 5,33 € par titre pour 2014 (contre 5,29 € en 2013). Reste donc à la charge du salarié entre 40 % et 50 % de la valeur du ticket.

Qu’on le déplore ou non, le titre-repas est devenu, depuis sa création, un élément important du pouvoir d’achat des salariés, représentant même un avantage annuel égal à un treizième mois pour un salarié au SMIC.

MODALITÉS D’UTILISATION

Des règles très strictes régissent depuis leur instauration l’utilisation des titre restaurants, mais dans la pratique peu connues donc peu appliquées : utilisation nominative des titres-restaurant, utilisable uniquement dans le département du lieu de travail du salarié ou limitrophe, un seul titre par repas, interdiction d’utilisation des titres les dimanches et jours fériés sauf dérogation, interdiction de faire ses courses avec.

De plus, certains établissements rendent la monnaie sur les titres, d’autres font des avoirs, d’autres rien du tout.

S’agissant de la version papier les modalités restent inchangées, si ce n’est la disparition dans la liste des mentions obligatoires de « la période d’utilisation par les salariés bénéficiaires ».

EVOLUTION OU RÉVOLUTION ?

Avec la version dématérialisée ces questions ne se posent plus. Concrètement cela prendra la forme d’une carte de paiement avec code secret plafonnée à 19 euros par jour et bloquée les dimanche et jours fériés sauf dérogation.

Avec la version dématérialisée, fini les calculs savants en raison des montant des titres souvent non arrondis, le restaurant débitera la somme exacte sur la carte dans la limite de 19 € par jour.

Les dates de péremption des titres seront mieux gérées : l’utilisateur sera informé de celles-ci et ce sont les titres en voie de péremption qui seront débités en priorité en début d’année civile. C’est un avantage certain pour chaque salarié. Les salariés individuellement ne perdront plus les titres non utilisés à partir de février n+1, car bien peu utilisaient la possibilité de se faire rembourser. Par contre collectivement c’est une perte puisque le solde des titres périmés et non utilisés une année revenait au gestionnaire des activités sociales et culturelles (les CE en général). En 2012 cela représentait un montant de 35 millions d’euros.

Par ailleurs, en cas de perte ou de vol de la carte il y a aura la possibilité de faire opposition et recevoir une nouvelle carte, alors qu’au préalable toute perte ou vol de titres restaurants constituaient une perte sèche pour les détenteurs. Cette perte est estimée à 80€ par an et par utilisateur.

De fait, le cadre d’utilisation des titres restaurant sera plus strict. Il ne sera plus possible de faire don d’un ou plusieurs titres à son conjoint, ses enfants, ou un SDF croisé dans la rue, ni d’utiliser les titres les dimanches et jours fériés, alors que jusqu’à présent dans la pratique les restaurateurs étaient souvent conciliants en la matière…

A TERME, UN RISQUE POUR LES SALARIÉS ?

Après l’extension aux grandes surfaces (aujourd’hui moins de 15% des titres sont utilisés dans ce secteur) et à l’achat de fruits et légumes, cette dématérialisation risque de dénaturer le dispositif qui deviendra à terme une simple prime de panier octroyée par l’employeur aux salariés.

Le Titre Restaurant risque donc de ne plus avoir de raison légitime suffisante pour bénéficier d’un régime social et fiscal particulier, ce point étant la garantie la plus importante de sa pérennité.

Pour FORCE OUVRIERE, le succès attendu de la dématérialisation du titre-restaurant ne doit pas porter un risque de remise en cause d’un dispositif social pérenne depuis près de 50 ans.

Sept 2014

* Décret n°2014-294 paru le 6 mars 2014