Mandats syndicaux et primes d’objectif

, par udfo53

Les primes variables pouvant être utilisées à des fins discriminatoires, notamment dans le domaine syndical, la Cour de Cassation a, par un arrêté du 6 juillet dernier, remis les pendules à l’heure.

LES MANDATS DE REPRÉSENTATION DU PERSONNEL DOIVENT ÊTRE PRIS EN COMPTE DANS LE CALCUL DES PRIMES D’OBJECTIF

C’est par un arrêt de la chambre sociale, en date du 6 juillet 2010 (Cass. soc., 6 juillet 2010, n° 09-41.354), que la Cour de cassation a réglé la question de la prise en considération du ou des mandats des salariés pour le calcul des primes d’objectifs (ou primes variables).

Il est de nombreuses professions dans lesquelles les salariés ont pour mode de rémunération une base fixe et une part variable. Le mode de calcul des primes variables reposant sur des critères purement quantitatifs, et les représentants du personnel passant un temps réduit à leur activité professionnelle afin d’exercer les prérogatives attachées à leurs mandats, se voyaient jusqu’alors pénalisés. Ils subissaient les conséquences, sur leur bulletin de paie, de leur investissement en tant que représentant du personnel.

L’espèce en question illustre bien cette problématique puisqu’il s’agissait d’une salariée « conseiller commercial » au sein d’une banque, possédant plusieurs mandats électifs et syndicaux, qui représentaient une partie significative de son temps de travail (30%). La salariée demandait l’attribution de dommages et intérêts pour discrimination syndicale dans l’attribution d’une prime annuelle. L’octroi de cette prime était subordonné à la réalisation d’objectifs fixés en termes de nombre d’entretiens commerciaux réalisés sur une clientèle que chaque conseiller se devait de suivre, et sur le nombre de produits financiers vendus.

À l’appui de sa demande, la salariée se prévalait d’une discrimination d’ordre syndical ; elle arguait que la prime lui était nécessairement défavorable : la prime était discriminatoire à l’égard des titulaires d’un mandat représentatif, dans la mesure où leur temps de travail se trouvait nécessairement réduit et qu’ils ne pouvaient donc pas mener autant d’entretiens que les salariés à plein temps sur leur poste. C’est pourquoi elle demandait l’octroi de la différence entre la prime qui lui avait été versée et le montant moyen de ladite prime perçu par les autres salariés.

La cour d’appel de Rennes n’ayant répondu que très partiellement aux demandes formulées par la salariée, cette dernière s’est alors pourvue en cassation.

Les hauts magistrats se sont saisis de l’occasion pour énoncer clairement les principes relatifs au mode de calcul des primes d’objectifs ; principes tenant compte de l’inégalité de traitement entre les salariés mandatés et les autres.

D’abord, elle indique « qu’en statuant ainsi par un motif inopérant alors que le caractère apparemment discriminatoire de la prime ayant été constaté, il appartenait à l’employeur de justifier, d’une part, que la clientèle confiée à la salariée avait été adaptée en fonction des seules heures consacrées à l’exécution de ses obligations contractuelles et, d’autre part, que le montant de cette prime était identique à celui prévu au profit des autres salariés et était soumis à des abattements eux-mêmes proportionnés au temps de travail de production de la salariée ».

Puis elle ajoute que « l’exercice de mandats représentatifs ne pouvant avoir aucune incidence défavorable sur la rémunération du salarié de sorte que Mme L. avait droit à percevoir au titre de la prime litigieuse une somme fixée en tenant compte, pour la partie de son activité correspondant à ses mandats, au montant moyen de cette prime versée, pour un temps équivalent, aux autres salariés, et, pour la part correspondant à son temps de production, une somme calculée sur la base d’objectifs réduits à la mesure de ce temps ».

Ainsi, il convient de tenir compte, pour la part d’activité correspondant à ses mandats, du montant moyen de cette prime versée aux autres salariés, pour un temps équivalent. S’agissant de la part d’activité correspondant à son temps de production, la somme doit être calculée sur la base d’objectifs réduits à la mesure de ce temps.

Une telle solution impose à l’employeur de réduire les objectifs des salariés mandatés en proportion du seul temps de production. À défaut, il prendra le risque de se voir assigner en justice sur la base de l’article L. 1132-1 du Code du travail, article consacrant le principe de non-discrimination.

On connaissait les problèmes de discrimination en matière de déroulement de carrière, qui sont de plus en plus efficacement combattus. La solution issue de l’arrêt du 6 juillet 2010 doit être saluée puisqu’elle tient enfin particulièrement compte des difficultés financières liées à l’engagement du salarié dans son mandat.

Sept 2010