La discrimination syndicale

, par udfo53

On peut, certes, établir des similitudes entre les différents types de discrimination au travail, mais il semble indispensable d’aborder en tant que telle la discrimination syndicale afin de s’y opposer efficacement. Malgré leur interdiction, les pratiques discriminatoires sont courantes. Le patronat, contraint d’accepter l’activité syndicale dans l’entreprise, utilise les pratiques discriminatoires avec deux objectifs essentiels :

 fragiliser les discriminés,
 apeurer les autres salariés qui seraient tentés par l’action syndicale.

C’est un vrai fléau pour les syndicalistes qui en sont victimes mais aussi une réelle menace pour leur renouvellement.

Ce dossier traite du type particulier de la discrimination syndicale, sous ses différents aspects, sans pour autant avoir la prétention de l’exhaustivité.

S’en prendre aux hommes plutôt qu’aux idées, pénaliser l’homme pour sanctionner ce qu’il représente

LA DISCRIMINATION SYNDICALE

Il a fallu attendre la loi du 27 décembre 1968 pour que la liberté syndicale soit reconnue dans l’entreprise en permettant la désignation d’un délégué syndical et la création d’une section syndicale.

L’action syndicale dans l’entreprise avait été cependant reconnue plus tôt de manière indirecte, par l’ordonnance du 22 février 1945 instituant les comités d’entreprise et par la loi du 16 avril 1946 relative aux délégués du personnel.

La loi du 4 août 1982 a complété le dispositif en introduisant dans le code du travail un article qui retient les activités syndicales au nombre des motifs de discrimination interdits, une disposition pénale venant réprimer cette même discrimination.

La discrimination est syndicale lorsqu’elle a pour motif l’appartenance syndicale, la victime pouvant être :
 soit un simple adhérent d’un syndicat
 soit un représentant syndical (délégué syndical, représentant de la section syndical)
 soit un élu exerçant un mandat représentatif (membre du CE, du CHSC, délégué du personnel, conseiller prud’homme ou conseiller du salarié).

LA NOTION DE DISCRIMINATION

La discrimination est un comportement ou un acte qui tend à distinguer un groupe humain ou une personne des autres.

Ce terme est utilisé pour désigner un traitement différent en vertu d’un critère arbitraire interdit par la loi.

Selon le critère utilisé, et selon le domaine, la discrimination porte un nom spécifique (discrimination raciale, discrimination sexuelle ou discrimination syndicale).

La discrimination suppose deux éléments : un traitement particulier et une absence de justification légitime à ce traitement particulier

On peut distinguer deux types de discriminations syndicales :
 la discrimination entre syndicats
 la discrimination du militant syndical

A- La discrimination entre syndicats

C’est une pratique assez largement répandue qui n’est certes pas nouvelle mais qui a été en quelque sorte « aggravée » par la loi d’août 2008, loi qui a bien souvent exacerbé, voire déclenché des rivalités entre syndicats, une situation que le patronat ne manque pas d’exploiter.

Le développement de la négociation d’entreprise est aussi l’occasion pour les employeurs de pratiquer le favoritisme à l’égard de certains syndicats ou de certains syndicalistes en en faisant des interlocuteurs privilégiés.

L’interdiction des discriminations entre les syndicats résulte de l’article L. 2145-6 du code du travail qui interdit à l’employeur d’utiliser un moyen de pression à l’encontre ou en faveur d’une organisation syndicale.

Le principe d’égalité entre syndicats est tempéré par le concept de représentativité, la loi ellemême ayant réservé certains droits aux syndicats représentatifs, dont les critères ont été modifiés par la loi du 20 août 2008. Ce principe nourrit une jurisprudence importante qui se conjugue parfois avec l’interdiction des discriminations.

La jurisprudence sur l’élection des institutions représentatives du personnel fait une large place au principe d’égalité entre les syndicats, qu’il s’agisse de la négociation du protocole préélectoral ou de la recevabilité des listes de candidatures dont les modalités ont été modifiées par la loi du 20 août 2008. La nécessaire neutralité de l’employeur dans la préparation et le déroulement du scrutin s’inspire des principes généraux du droit électoral, mais cette exigence résulte aussi de l’article L. 2141-7 du code du travail.

L’un des apports le plus marquant de la jurisprudence récente concerne la désignation de délégués syndicaux supplémentaires à ceux prévus par la loi.

La jurisprudence avait tout d’abord décidé qu’il résultait de l’article L. 2141-6 du code du travail qu’une telle augmentation ne pouvait résulter que d’un accord collectif, à l’exclusion de l’usage ou de l’engagement unilatéral du chef d’entreprise (Soc., 20 mars 2001, pourvoi n° 99- 60.496).

la chambre sociale par un arrêt du 5 mai 2004 (Soc., 5 mai 2004, pourvoi n° 03-60.175) l’a substantiellement modifiée en retenant qu’"en vertu du principe d’égalité qui est de valeur constitutionnelle et que le juge doit appliquer, un chef d’entreprise qui a accepté la désignation par un syndicat représentatif d’un délégué syndical alors que la condition d’effectif n’était pas remplie, ne peut refuser la désignation par un autre syndicat représentatif d’un délégué syndical".

Un arrêt postérieur a précisé la portée de cette jurisprudence pour éviter que l’employeur ne puisse plus jamais revenir à la situation légale, compte tenu de la durée indéterminée du mandat de délégué syndical. Par un arrêt du 5 mars 2008 (Soc., 5 mars 2008, pourvoi n° 07- 60.305) qui rappelle la règle posée par l’arrêt de 2001, la cour de cassation retient que cette règle n’a jamais cessé d’être applicable de sorte que l’employeur peut unilatéralement, pour l’avenir, revenir sur sa décision d’accepter des délégués syndicaux supplémentaires, sous réserve de ne pas méconnaître le principe d’égalité.

Le principe d’égalité a aussi fondé les arrêts importants de la chambre sociale sur les conditions de la négociation collective.

Elle a en effet affirmé le principe général selon lequel tous les syndicats représentatifs doivent être appelés à toutes les négociations, dans plusieurs arrêts concernant la révision d’accord de branche ou d’entreprise ou l’obligation annuelle de négocier dans les branches liées par un accord (Cass. Soc., 26 mars 2002, pourvoi n° 00-17.231 ; Soc., 12 septembre 2007, n° 128, pourvoi n° 06-41.841).

La chambre sociale s’est fondée sur les alinéas 6 et 8 du préambule de la constitution, c’est à dire sur le principe de participation conjugué à celui de la liberté dont il résulte que chaque syndicat représentatif dans le champ de la négociation a également vocation à représenter l’intérêt collectif des salariés dans la négociation.

L’interdiction des négociations séparées repose sur le même fondement juridique comme l’a rappelé la chambre sociale dans un arrêt du 10 octobre 2007 (Soc., 10 octobre 2007, pourvoi n° 06-42.721) qui résume les conséquences du principe d’égalité dans la procédure de négociation : "la nullité d’une convention ou d’un accord collectif est encourue lorsque toutes les organisations syndicales n’ont pas été convoquées à sa négociation, ou si l’existence de négociations séparées est établie, ou encore si elles n’ont pas été mises à même de discuter des termes du projet soumis à la signature en demandant le cas échéant la poursuite des négociations jusqu’à la procédure prévue pour celle-ci".

En l’espèce, l’employeur avait signé un accord avec certains syndicats seulement dont les termes étaient différents de ceux soumis à la négociation avec tous les syndicats, et qui ne leur avait pas été soumis.

S’agissant du contenu et de l’application des accords collectifs, la jurisprudence a eu aussi à se prononcer sur des accords dont résultaient des différenciations entre les syndicats, en le conjuguant avec l’ancien article L. 412-2 du code du travail dont elle a donné une interprétation large.

Dans un premier arrêt du 29 mai 2001 (Soc., 29 mai 2001, pourvoi n° 98-23.078), la chambre sociale a décidé qu’une convention ou un accord collectif destiné à améliorer le droit syndical dans l’entreprise ou les institutions représentatives du personnel est applicable à tous les syndicats représentatifs, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les syndicats signataires et les autres.

Cet arrêt précise également que le principe d’égalité ne permet pas à l’employeur de subventionner un syndicat représentatif et non un autre selon qu’il a signé ou non l’accord collectif. Il est symptomatique que cet arrêt ne se fonde pas sur l’effet normatif de l’accord collectif, mais bien sur le principe d’égalité et sur l’interdiction des discriminations qui était certainement applicable s’agissant des subventions versées aux syndicats signataires.

La portée de cet arrêt a été précisée par un arrêt du 10 octobre 2007 (Soc., 10 octobre 2007, pourvoi n° 05-45.347) relatif à un accord qui répartissait de façon inégalitaire entre les syndicats représentatifs une contribution prévue pour le financement du dialogue social dans une branche.

B – La discrimination du militant syndical

- la discrimination ponctuelle

Elle se manifeste à l’occasion d’un acte de l’employeur à un moment donné de la relation de travail :
 mutations,
 dans l’attribution d’avantages, promotions, primes,
 au cours de conflits collectifs,
 dans l’application des sanctions disciplinaires,
 à l’occasion de licenciements.

- la discrimination continue

C’est celle qui dure pendant une partie de l’exécution du contrat de travail. Elle survient en principe dans la plupart des cas à partir du moment où le salarié prend un mandat syndical ou adhère à un syndicat.

Jusqu’à ce moment là, le salarié victime avait une vie professionnelle normale jusqu’à ce qu’elle devienne différente du fait de son appartenance syndicale.

Elle peut se matérialiser notamment : • dans l’organisation et la répartition du travail • dans l’incompatibilité invoquée par l’employeur d’exercer une fonction d’encadrement et une activité syndicale. Dans la rémunération, l’employeur invoquant que le temps passé en délégation n’est pas du temps passé au travail

Dans le fait même que l’employeur va évoquer l’indisponibilité des représentants du personnel : • ralentissement dans l’évolution de la carrière, retard, voir progression brutalement stoppée, • parcours de formation au rabais, • mesure d’isolement.

- Le salarié qui s’estime victime d’une discrimination syndicale

Il doit présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il appartient à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La charge de la preuve n’est pas renversée, elle est répartie : le salarié syndicaliste ne doit que présenter au juge les éléments de fait relatifs à la différence de traitement tandis que l’employeur doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs.

La référence à la notion de discrimination indirecte permet de sanctionner l’effet discriminatoire sans rechercher l’intention dolosive (faute intentionnelle).

Le rôle accru du juge : le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

C – Le Contentieux de la discrimination syndicale

1) La diversité des actions et des procédures

Le salarié, considérant être victime de discrimination syndicale, peut saisir le Conseil de Prud’hommes. La charge de la preuve de la discrimination alléguée ne repose plus sur le salarié qui doit simplement fournir au juge des éléments de fait précis et concordant laissant supposer l’existence d’une discrimination.

  Comment constituer un dossier de discrimination syndicale ?

L’intéressé devra faire un travail d’enquête pour comparer sa situation à celle de ses collègues.
 Dans un premier temps, il devra retracer son évolution syndicale puis son évolution professionnelle.
 Dans un deuxième temps : il conviendra, pour lui, de dresser une liste nominative des salariés ayant le même cursus, un âge voisin, une ancienneté quasi-identique avec une embauche au même niveau de formation ou de qualification et un coefficient identique.
 Dans un troisième temps : des éléments référents pourront être isolés pour mettre en lumière la différence de traitement.
 L’intéressé pourra alors s’interroger : l’augmentation salariale ou la prime refusée, l’avertissement, la mise à pied prononcée, découlent-ils d’une différence de traitement ?

Concernant l’un des cas les plus délicats, à savoir la discrimination intervenant dans le cadre du déroulement de carrière, ou relative au salaire, plusieurs outils devront être utilisés : • le registre unique du personnel qui mentionne l’âge, l’ancienneté, le sexe, l’emploi, la qualification ; une difficulté, néanmoins, le registre peut ne pas être à jour ; • les listes électorales ; • pour les salaires, peut être étudié le document préparatoire aux négociations salariales qui permet de déterminer le salaire moyen.

Le maximum de pièces devra être regroupé pour attester du fait que le salarié connaît un traitement particulier : témoignages, graphiques, comparatifs...

Concernant les graphiques : ils devront laisser apparaître la "coïncidence" entre la date de l’activité syndicale et la stagnation de la carrière ou du salaire.

Rappelons que le salarié doit présenter les éléments de fait laissant apparaître l’existence d’une différence de traitement.

L’employeur, pour sa part, devra prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il le fera alors, dans le cadre d’une évolution de carrière contestée, en évoquant "des critères objectifs de compétence professionnelle".

Le bureau de conciliation pourra être saisi de certaines demandes et il peut ordonner une mesure d’instruction, même d’office, afin que lui soient présentés les faits.

Un ou deux conseillers rapporteurs peuvent même être désignés.

La juridiction des référés peut, également, être saisie.

- Le salarié, faisant l’objet de discrimination syndicale, a-t-il intérêt à saisir la juridiction pénale ?

La procédure pénale a, incontestablement, un effet dissuasif qui, de surcroît, peut entraîner une mauvaise publicité à l’entreprise avec des peines complémentaires d’affichage et de publication.

Cette action a, également, une valeur symbolique puisque l’intéressé se présente en qualité de victime tandis que l’employeur a la qualité de prévenu.

Une difficulté néanmoins : l’aménagement de la preuve initiée par la directive 97/80 du 15 décembre 1997 du conseil de l’Union Européenne n’a aucune répercussion sur le plan pénal.

Rappels :
 Les effets de la plainte pénale simple sont laissés à la discrétion du parquet qui peut, toutefois, engager une enquête préliminaire.
 La plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction permet l’ouverture d’une information. Le juge d’instruction agit à charge et à décharge. La preuve ne repose donc sur aucune des parties.
 L’action pénale peut, également, être engagée par une citation directe.

Cette action implique, alors, que la preuve de la discrimination soit établie par la partie civile. Ainsi, il revient à celle-ci de rapporter la preuve de l’infraction, et plus exactement de la discrimination et de l’intention coupable, le doute profitant au prévenu.

L’action civile et l’action pénale peuvent se cumuler.

Toutefois, il faut savoir qu’il est sursis au jugement du Conseil de Prud’hommes tant que la juridiction pénale ne s’est pas prononcée.

On sait aussi, qu’après avoir saisi le Conseil de Prud’hommes, le salarié ne peut porter son action devant la juridiction répressive.

- Les actions de tiers, utiles à l’intéressé

Des tiers au contrat de travail peuvent être amenés à saisir le Conseil de Prud’hommes ou la juridiction pénale.

a) Il peut s’agir du syndicat en vertu des dispositions du code du travail : "Les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent." Le syndicat peut même agir seul ou aux cotés du salarié, pouvant même se substituer à lui.

b) Le délégué du personnel peut, également, être amené à agir dans le cadre d’une discrimination syndicale, en vertu des mêmes dispositions du code du travail qui dispose que : "Dés lors qu’il constate une mesure discriminatoire, le délégué du personnel en saisit l’employeur. Ce dernier est alors tenu de procéder sans délai à une enquête avec le délégué et de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation. A défaut, le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes peut être saisi et statue selon les formes applicables au référé".

c) L’intervention de l’inspection du travail : la loi du 16 novembre 2001 a élargi les pouvoirs conférés aux inspecteurs du travail. Ils peuvent désormais se faire communiquer tout document ou tout élément d’information, quel qu’en soit le support, utile à la constatation de faits susceptibles d’établir l’existence ou l’absence d’une méconnaissance des dispositions légales prohibant les discriminations. (L. n° 73-623, 10 juill. 1973 ; L. n° 85-772, 25 juill. 1985, art. 64)

Dès lors que l’infraction aura été constatée par procès verbal, un exemplaire du PV pourra être déposé au parquet (L. n° 89-488, 10 juill. 1989, art. 10).

2) Les obligations de réparation

Il convient de se référer aux dispositions du code de du travail : "...Toute disposition ou tout acte contraire à l’égard d’un salarié est nul de plein droit."

Le code du travail, ne prévoit que des dommages et intérêts.

La jurisprudence constante considère, toutefois, que toute victime d’une mesure prise contrairement aux dispositions d’ordre public peut en demander l’annulation (Cass. Soc. 10 juillet 2001, N°99-21.884).

a) Sur l’octroi de dommages et intérêts

Dans la plupart des cas le salarié sera uniquement indemnisé, soit parce que l’annulation de la mesure discriminatoire ne sera plus possible, soit parce que la victime aura renoncé à solliciter l’annulation.

La jurisprudence fixe, logiquement, la réparation du préjudice en considérant que : "La demande de dommages et intérêts, n’a pas pour seul objet de réparer la perte de salaire résultant de la discrimination mais d’indemniser l’ensemble du préjudice subi par le salarié du fait de cette discrimination." (Cass. Soc. 11 octobre 2000 n°98-43-472).

Un préjudice moral peut même être envisagé.

b) Sur l’annulation de la mesure discriminatoire

Il pourra s’agir de la nullité d’une mesure générale comme celle du règlement intérieur ou d’une mesure individuelle comme celle d’une sanction disciplinaire.

Le juge peut annuler la mesure et rétablir le salarié dans ses conditions de travail antérieures, à la demande de la victime si l’annulation est encore possible.

Si un licenciement survient, le juge pourra l’annuler ce qui entraînera la réintégration du salarié dans son emploi.

Le principe est celui de la remise en état lorsque cela est possible ; et cela est souvent possible depuis un arrêt de la Cour de Cassation du 23 novembre 2005.

"La réparation intégrale d’un dommage oblige à placer celui qui l’a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu. Le juge peut même alors ordonner le reclassement d’un salarié victime d’une discrimination prohibée" (Cass Soc 23 novembre 2005, n°03-40.826, n°2554 concernant un salarié victime d’une discrimination dans son évolution de carrière).

c) L’action en réparation de la victime fondée sur une discrimination syndicale se prescrit par 30 ans même si le préjudice allégué correspond stricto sensu à un rappel de salaires.

En effet, il s’agit d’une action indemnitaire qui n’est pas limitée aux salaires que n’aurait pu percevoir le salarié mais qui s’étend à l’ensemble du préjudice subi par la victime.

d) En matière de discrimination dans le déroulement de carrière, le problème de la réparation du préjudice garde toute son acuité.

Les tribunaux évaluent le préjudice de façons diverses.

Une méthode est, toutefois, proposée, appelée « la méthode CLERC, méthode dite de "la triangulation".

Elle constitue, à ce jour, à la fois, une méthode séduisante et intéressante (Semaine sociale LAMY du 15 novembre 2004 n°1190, Discrimination syndicale). Elle a été reprise par plusieurs juridictions qui ont considéré qu’elle était fiable.

Sur un graphique doit apparaître, en horizontal (en abscisse), l’ancienneté du salarié et, à la verticale (en ordonnée), l’évolution de carrière par la mention des coefficients.

L’évolution de carrière normale pourra être visible jusqu’à l’événement (début de la discrimination) qui entraîne alors une stagnation de carrière visible par une ligne droite en horizontale.

Un triangle est alors visible si l’on fixe le coefficient dont devrait bénéficier le salarié, celui qu’on lui applique et le coefficient appliqué depuis le début de la discrimination qui constitue le préjudice en masse, avec pour point culminant la moyenne des référents.

La différence de salaire doit alors être multipliée par le nombre de mois travaillés puis divisé par 2 (puisque le préjudice est évolutif et prend la forme d’un triangle), le tout majoré de 30 % pour prendre en considération éventuellement la perte subie sur la retraite, le préjudice moral, les primes diverses...

e) Le syndicat est également en droit d’obtenir la réparation de son préjudice moral mais aussi matériel, une perte de salaire ayant des répercussions sur les cotisations perdues par le syndicat.

D - La tradition du sacrifice : il faut la sacrifier

En règle générale est considéré comme un "bon" militant syndical, celui qui pense aux autres et pas à lui-même, il n’a pas en vue la défense de ses propres intérêts.

Le militantisme syndical n’est pas un sacerdoce. Le développement professionnel et la prise de responsabilités, ne font pas systématiquement s’écarter le militant syndical de ceux qu’il doit défendre.

La discrimination syndicale dans la vie professionnelle ne doit pas être perçue comme la conséquence inévitable de l’engagement syndical.

Arrêtons d’utiliser des termes forts proches du lexique religieux (une mission, l’altruisme, la vocation) et de considérer que quand on revendique pour le collectif on doit s’oublier un peu, voir même jusqu’à devenir un "martyr".

Il faut nous battre, inlassablement, pour que le syndicalisme soit valorisé et valorisant, assimilé à du travail à part entière, pour qu’il soit considéré comme un des acteurs essentiels de l’entreprise.

La prise de mandat ne doit pas effrayer et être assimilée à un renoncement à toute carrière professionnelle. La discrimination syndicale a fait et fait encore bien des ravages en termes d’adhésions nouvelles.

Pour que de nouveaux militants s’engagent, il faut leur assurer que le syndicalisme ne va pas plomber leur vie professionnelle, que le syndicat en plus de prendre la défense des salariés en général, va se charger d’aider ses représentants à avoir une vie professionnelle "normale".

Activité syndicale et déroulement de carrière doivent pouvoir se conjuguer et se nourrir l’un l’autre.

La discrimination syndicale inacceptable sur le plan personnel a pour objet et pour effet de dissuader les autres salariés de l’entreprise de s’exprimer, de s’unir et d’agir collectivement pour défendre leurs droits et leurs intérêts.

Les discriminations syndicales, cachées ou avouées, sont si fréquentes qu’elles constituent en fait un mode de gestion du personnel et un outil de management. Les moyens légaux existent pour s’y opposer et la jurisprudence commence à être bien fournie.

La meilleure défense réside cependant dans l’action pour créer des syndicats là où ils n’existent pas, défendre les syndicalistes dans les entreprises et devant les tribunaux.

Le régime de la preuve, la prescription, la réparation laissent présager un contentieux de la discrimination syndicale voué à se développer.

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En conclusion, et même si la route est encore longue à parcourir avant de voir véritablement reculer les discriminations syndicales, on peut cependant être raisonnablement optimiste au regard des nombreux accords ou "chartes de bonne conduite" qui sont signés soit dans les branches professionnelles, soit dans les entreprises, en matière de discrimination de toute nature, y compris de discrimination syndicale.

Novembre 2011.