Sommet social : Déclaration FORCE OUVRIERE

, par udfo53

Retrouvez ci-dessous la déclaration faite par Jean Claude MAILLY, au titre de notre Confédération, lors du sommet social du 18 Janvier 2012

Pour paraphraser un ancien Premier ministre, je suis tenté de dire, Monsieur le Président, qu’en ce début d’année 2012 la pente est raide et la route est glissante.

En France comme dans la plupart des pays le chômage augmente fortement, la croissance ralentit, la récession s’installe ou menace.

La crise systémique qui a surgi à l’été 2007 perdure. Je ne reviendrais pas aujourd’hui sur la situation internationale que nous avons évoquée en novembre dernier dans le cadre du G20 si ce n’est pour souligner la persistance des déséquilibres et contradictions du système, tant, par exemple, du côté du respect des normes internationales du travail que dans l’absence de mise en œuvre d’un nouveau système monétaire international.

La crise persiste également au niveau européen.

La concomitance des plans de rigueur ou d’austérité, le dogmatisme monétaire et budgétaire, le rôle récessif de la BCE, l’ordolibéralisme des autorités allemandes, la remise en cause des droits sociaux sont tels que l’Europe est de plus en plus perçue comme une contrainte, non un facteur d’espoir.

Nous n’oublions pas non plus à FO, même si on en parle peu en France, les rapports de force entre l’Europe et les Etats-Unis, entre les places financières de New-York et de Londres et la zone euro pour capter les flux financiers et maintenir une suprématie anglo-saxonne mise à mal.

C’est aussi pourquoi je rappelle la nécessité pour FO de réorienter les modalités de la construction européenne, notamment de mettre en place un protocole social de droit primaire, ayant rang de traité.

Je vais prendre un exemple : celui de la directive détachement actuellement en révision au niveau européen. Cette directive est une directive passoire, soumise à la suprématie du principe de la libre prestation de services sur les droits sociaux. Elle constitue un élément important de dumping social à l’intérieur de l’union européenne et la France n’y échappe pas.

Alors qu’en 2010, 38 000 déclarations concernant 111 000 salariés ont été effectuées, on estime que trois fois plus de travailleurs sont concernés.

C’est pourquoi, sur ce point révélateur, nous demandons au gouvernement :

 De remédier aux failles dans la législation et de renforcer les dispositions existantes, y compris pour les services du travail concernés,

 De créer un mécanisme de surveillance, de contrôle et de sanction pour lutter contre les abus et contournements,

 Au niveau européen, d’exiger une révision complète de la directive imposant des objectifs sociaux, ce qui passe, par exemple, par la restauration du caractère temporaire du détachement et par une obligation de double déclaration, dans le pays d’origine et dans le pays d’accueil.

J’en arrive, Monsieur le Président à la situation française.

La perte du triple A décidée par une agence de notation ne nous empêche pas de dormir. Pour deux raisons principales : la première, est que nous contestons le rôle et la place accordée à ces agences, et sur ce point les gouvernements ont historiquement leur part de responsabilité en terme de régulation.

La seconde, est que les mesures de rigueur mises en place n’ayant pas permis de garder pour une agence le triple A, il faut sortir de cette logique car on ne sortira pas d’une crise causée par un libéralisme économique outrancier par plus de libéralisme, d’orthodoxie budgétaire, de flexibilité sociale.

Pour FORCE OUVRIERE, cette réunion doit être consacrée à l’examen de mesures d’urgence face à l’augmentation du chômage. En la matière, FORCE OUVRIERE fait 15 propositions.

A toutes fins utiles et pour que les choses soient claires, nous récusons toute idée de TVA sociale que nous considérons comme une erreur économique et un danger social et toute mécanique d’accord compétitivité-emploi qui ne vise qu’à accroitre la flexibilité, se substituer au chômage partiel en imposant, même temporairement, un temps partiel contraint, le salarié payant pour une baisse d’activité dont il n’est pas responsable.

Tout ceci nécessite une réflexion sur comment consolider les régimes de protection sociale, la cotisation, la part fiscale et quel type d’impôt : ce débat ne se fait pas en quelques semaines (rappel : les AF sont composées de 64% de cotisations patronales, le reste étant des mesures fiscales).

Sur les 15 propositions de FO,

- 4 mesures visent à favoriser l’emploi et le maintien dans l’emploi

1. L’allocation de solidarité intergénérationnelle obligeant à la mise en place de tutorat pour toute embauche de jeunes, proposition que nous formulons depuis 2 ans.

2. Le développement du recours au chômage partiel destiné à limiter le choc de la crise pour les salariés et les entreprises concernées.

Cela suppose des moyens financiers mais aussi, si l’on raccourcit les délais, des moyens humains supplémentaires dans les services de l’Etat, les DIRECCTE en l’occurrence.

3. L’obligation de maintien dans l’emploi en cas d’attribution d’aides publiques, une des 23 mesures retenues par les Etats généraux de l’industrie non mises en œuvre :

4. Augmenter le nombre de congés individuels de formation. Dispositif qualifiant efficace, en décrue pour des raisons budgétaires, il suppose des ressources à hauteur de 115 millions d’euros pour retrouver les niveaux de 2008 en matière de CIF-CDI et CIF-CDD.

- 4 mesures sur la stratégie publique d’investissement et de création d’activité en faveur de l’emploi

1. Mise en place d’une banque nationale d’investissement coordonnant mieux les activités des organismes existant (FSI/CDC/OSEO notamment).

2. Relancer les démarches prospectives en faveur de l’emploi. Il s’agit ici de relancer les démarches des branches concernant les conséquences des mutations économiques sur l’emploi, démarches affaiblies par une diminution de 55% des crédits dans le PLF 2012 (37,5 millions contre 82,5 millions).

Il s’agit aussi d’approfondir les liens donneurs d’ordre/sous-traitants et d’accroître la responsabilité du donneur d’ordre, le nombre d’entreprises dépendant d’un seul donneur d’ordre ayant augmenté de 15% en 10 ans.

3. réformer la législation sur la revitalisation des bassins d’emploi. Il faut étendre l’obligation de revitalisation aux grandes entreprises procédant à des licenciements économiques diffus, baisser le seuil des entreprises concernées, passer d’une notification à une présomption d’assujettissement et accroître les moyens du fonds national de revitalisation.

4. S’agissant de l’emploi, je ne peux passer sous silence les effets destructeurs de la RGPP (400 000 suppressions de postes dans les services de l’Etat et des opérateurs) y compris sur les missions de service public et nos craintes sur l’emploi dans les collectivités territoriales où les projets en cours en Alsace se traduiront par une diminution de 40% des effectifs sur les trois collectivités concernées.

- 3 mesures en matière de formation professionnelle et d’accompagnement des demandeurs d’emploi

1. Etendre le contrat de sécurisation professionnelle aux fins de CDD et d’intérim, prévoir un accompagnement identique pour les chômeurs de longue durée, population à qui devraient s’adresser plus de contrats aidés et d’insertion professionnelle type POE.

2. Prolonger la R2F, qui a pris fin au 31 décembre 2011, et qui permet aux demandeurs d’emploi en formation longue (ex. infirmier(e)s) d’être indemnisés jusqu’à la fin de leur formation.

3. Renforcer les moyens humains et financiers du service public de l’emploi. Plusieurs rapports ont mis en évidence la faiblesse des moyens du SPE, il y a urgence à augmenter les effectifs, ici et maintenant, sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Il s’agit aussi de reconnaître effectivement la mission de service public de l’AFPA dont la pérennité est menacée suite au désengagement structurel et financier de l’Etat.

- 3 mesures pour l’accompagnement des jeunes demandeurs d’emploi

1. S’agissant des jeunes, il faut cesser les aléas des subventions de l’Etat aux missions locales qui ont besoin de 190 millions d’euros supplémentaires pour remplir leurs missions. De la même manière des maisons de l’emploi, affaiblies, avaient su montrer leur efficacité.

2. Plusieurs accords interprofessionnels ont, par ailleurs, dégagé 100 millions d’euros pour renforcer l’accompagnement individuel des jeunes.

Nous demandons à l’Etat que ces jeunes puissent bénéficier de l’allocation CIVIS afin d’éviter ce que l’on peut appeler les interruptions alimentaires (coût 23 millions d’euros pour 60 000 bénéficiaires)

3. Augmenter le volume des contrats aidés, éviter le stop and go, et instaurer une véritable obligation de formation qualifiante.

- 3 mesures pour renforcer les dispositifs de solidarité nationale

1. Indexer le RSA sur l’inflation

2. Revoir les conditions restrictives d’attribution du RSA jeunes (10 000 bénéficiaires contre 160 000 prévus).

3. Assouplir la condition d’âge pour avoir accès à l’allocation transitoire de solidarité et viser le rétablissement de l’AER.

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Voilà, Monsieur le Président, les propositions d’urgence concrètes à mettre en place face à l’augmentation du chômage qui frappe toutes les catégories. Il ne s’agit pas de réinventer le fil à couper le beurre mais de prendre des décisions d’application rapide.

Bien entendu les questions globales de politique économique tant au plan national qu’européen sont essentielles. Elles sont aussi conflictuelles comme en témoignent les débats autour de la notion de compétitivité.