Collège de Craon

, par udfo53

Face aux provocations de certains conseillers généraux, les enseignants sont tous à Craon !

Le dossier de l’ERS (Etablissement de Réinsertion Scolaire) de Craon est suffisamment douloureux et délicat pour ne pas chercher à mettre de l’huile sur le feu. Nous regrettons que ce soit cette voie que quelques personnes, qui se présentent pourtant comme responsables et soucieuses d’apaisement, aient choisie.

Rappel des faits (rapporté par le secrétaire général de l’Inspection Académique lors du CDEN du 16.11) : Daniel Auverlot, IA du 93, et ancien IA de la Mayenne (2004-2006) monte, avec le ministère, le projet ERS au printemps dernier et cherche des points de chutes pour des élèves de son département en rupture scolaire. Il se rappelle que le collège de Craon possède un internat désaffecté. Il envisage donc de placer des élèves dans un ERS au sein même de cet établissement. L’IA de la Mayenne est contactée dans les tout derniers jours de juin par D. Auverlot. Le collège de Craon est visité par un aréopage administratif et politique (dont les 2 IA, des conseillers généraux, le principal) le 6 juillet, après le départ en vacances des élèves et des enseignants. Rien n’est arrêté définitivement avant fin août, lorsque Daniel Auverlot prévient Solange Deloustal que l’ERS sera bien implanté à Craon. Parents et enseignants ne sont mis au courant qu’à la rentrée de septembre. L’ouverture de l’ERS est prévue pour novembre.

Plusieurs réunions sont tenues. Lever de boucliers chez les familles et craintes chez les enseignants : comment mettre sur pied, en aussi peu de temps un projet aussi délicat et nécessitant une large adhésion de l’ensemble des personnes concernées ? Car il est facile, de son bureau, de faire des projets "généreux" ...et de mettre ceux qui sont en première ligne devant le fait accompli. C’est pourtant ce qui s’est passé.

Jamais les enseignants n’ont a priori refusé de discuter. Ils ont demandé des garanties, sur l’encadrement, sur le recrutement d’un principal adjoint chargé de l’ERS... Tout a été refusé. Pas par eux, mais par l’administration On s’est contenté de leur dire que tout était cadré, et que l’équipe d’encadrement (2 enseignants spé du 1er degré, 2 éducateurs PJJ, 4 assistants d’éducation, tous du 93) était suffisante et apte à gérer les problèmes. Le 5 novembre, lors du CTPD, plusieurs représentants du personnel interpellaient l’IA quant à la situation de Craon et l’alertaient des risques de dérapages. Le 8 novembre, veille des incidents, lors d’une commission départementale sur l’accueil de la petite enfance, commission présidée par le Président du Conseil Général et à laquelle assistait Solange Deloustal, Jean Arthuis tournait en dérision, en fin de réunion et hors ordre du jour, les craintes exprimées à Craon et ne doutait pas que tout se passerait bien... Le résultat, on le connaît aujourd’hui.

Alors, qu’on regrette la stigmatisation de ces jeunes, en grande difficulté et déjà rejetés dans leur département d’origine, OUI ! Et qu’on ne nous place pas aux côtés de ceux, dont certains médias se sont complus à ressasser les commentaires quelque peu … terre à terre. (« Qu’ils retournent chez eux, et qu’on nous laisse tranquilles chez nous »… !) Mais, à bien y réfléchir, n’a-t-on pas tout fait -le « on » représentant ici les apprentis-sorciers responsables de l’expérimentation- pour qu’il en soit ainsi ? N’a-t-on pas posé les conditions mêmes qui ne pouvaient qu’amener à la stigmatisation et à l’échec ? « On a placé un aquarium dans une piscine » a dit, avec raison, un représentant de SUD.

Alors, lorsque Jean Arthuis (1) se permet, au lendemain des incidents, de jeter en pâture à l’opinion les « membres de la communauté éducative » au premier rang desquels les enseignants, accusés d’ « attitudes intolérantes ou, pour le moins, incompréhensibles », et d’être « engoncés dans [leur] petit confort » on reste pantois.

Lorsque les conseillers généraux présents au CDEN du 16 novembre (Marie-Cécile MORICE, Nicole PEU, Daniel LENOIR), toutes tendances politiques confondues, non seulement saluent le communiqué « profondément humaniste » de Jean Arthuis, mais appuient encore plus fort, en y allant de leur leçon de morale et de déontologie professionnelle sur la nécessaire ouverture d’esprit et le devoir qu’a l’école de la République, et ses enseignants, envers les élèves les plus défavorisés – à un point tel que le secrétaire général, président de séance après le départ de l’IA, s’en trouve gêné et se sente obligé d’arrondir les angles !- on est saisis d’abord d’incompréhension, puis rapidement de colère !

Quel « crime » ont donc commis nos collègues du collège de Craon pour être ainsi traînés dans la boue de leurs prétendues incompétence professionnelle et étroitesse intellectuelle(2) ? Demander des garanties pour continuer à –bien- faire leur travail ? Alerter des risques qu’engendrait de façon inévitable une mise en place bâclée et organisée dans leur dos ? L’Histoire leur a pourtant donné raison.

Et depuis quand les enseignants ont-ils de leçons à recevoir d’élus politiques ? Depuis quand les élus politiques s’arrogent-ils le droit d’invectiver ainsi publiquement l’attitude de fonctionnaires qui n’ont d’autre « tort » que de vouloir faire leur travail dans le calme et la sérénité ?

Doit-on voir là les prémices de ce que donnerait une décentralisation poussée encore plus loin, aboutissant à un éclatement de l’Education Nationale et donnant aux élus politiques locaux un rôle prépondérant dans le fonctionnement des établissements scolaires ?

Nous ne voulons le penser. Que les élus fassent –bien- le travail pour lequel ils ont été élus. Et qu’ils s’abstiennent de leçons de morale et d’éthique qui non seulement n’ont aucune raison d’être, mais qui, dans les circonstances présentes, ne sont pas faites pour contribuer à l’apaisement du climat.

Et qu’ils se disent bien une chose : dans cette affaire, la quasi-totalité des enseignants du département sont aux côtés de nos collègues de Craon. Et pas par une espèce de confraternité teintée de poujadisme ; mais parce que eux, ce sont des professionnels, parce que eux, ils savent ce que représente quotidiennement l’acte d’enseigner. Ils savent qu’il ne suffit pas de décréter pour obtenir des résultats. Ils savent que l’Education Nationale, ce n’est pas l’Oréal. Et qu’un ministre de l’Education Nationale n’est pas un PDG, ni l’IA un chef de projet.

Qu’ils se disent bien qu’avec cette affaire, les enseignants sont aujourd’hui tous à Craon.

Pour la FNECFP-FO 53

Pascal GRANDET

17.11.10

(1) Ouest-France – édition 53 du 11.11.10

(2) Ces termes n’ont pas été employés tel que… mais on pouvait aisément les extrapoler des interventions successives

L’Union Départementale des syndicats FORCE OUVRIERE apporte son soutien à la déclaration de la FNECFP-FO 53.