XXVIIe congrès de la Fédération des Services publics et de santé FO

, par udfo53

Préparer le succès de la grève interprofessionnelle

Près de 2 200 militants des secteurs de la santé et des collectivités territoriales ont participé au congrès de la fédération des services publics et de santé FO, qui s’est tenu à Reims du 23 au 27 novembre 2015. Pour mettre un arrêt aux attaques contre le service public, contre la protection sociale, leurs emplois et leurs statuts, et pour faire aboutir leurs revendications, dont l’augmentation générale des salaires, les délégués ont décidé de construire le rapport de force et de préparer la réussite d’une grève interprofessionnelle.

Ils travaillent dans le secteur de la santé – public et privé - ou dans les collectivités territoriales et leurs secteurs annexes (sapeurs pompiers professionnels, logement social, services des eaux ou services funéraires) mais leurs préoccupations sont communes. Confrontés à une remise en cause sans précédent de leurs missions, de leurs emplois, de leurs statuts, de leur pouvoir d’achat, près de 2 200 hospitaliers et territoriaux FO, réunis en congrès du 23 au 27 novembre à Reims, ont dit leur détermination à combattre les politiques d’austérité à l’origine de la casse du service public. Ils ont décidé de construire le rapport de force, afin de réunir les conditions de réussite d’une grève interprofessionnelle. Le rapport d’activité a été adopté par 97,35% des voix, et le rapport financier à 96,09%. Soixante-deux délégués sont intervenus à la tribune et pas moins de sept résolutions – une générale et six spécifiques - ont été adoptées pour fixer les orientations et l’action de la fédération pour les trois années à venir. De nombreux invités, dont des secrétaires de fédérations et d’unions départementales FO et des invités internationaux, ont participé au congrès. Parmi ceux-ci, trois invités sont montés à la tribune. Jan Willem Goudriaan, secrétaire général de la fédération syndicale européenne des services publics, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO et Christian Grolier, serétaire général de la fédération générale des fonctionnaires FO (FGF-FO), ont ainsi demandé l’arrêt des politiques d’austérité et rappelé l’absolue nécessité de défendre le service public. Le congrès a aussi été l’occasion, pour les militants, de rendre un vibrant hommage à leur secrétaire général, Didier Bernus, qui a annoncé qu’il ne se représenterait pas à cette fonction en avril prochain.

« Nous avons agi en médecins, pas en héros »

Alors que le congrès de la fédération se tenait dix jours après les attentats de Paris et de Saint-Denis, son secrétaire général Didier Bernus a salué « le sens du service public et de la solidarité » des employés des services publics qui ont eu à intervenir. Il a également rappelé la nécessité de défendre la démocratie et les valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité. Tandis que la ministre de la Santé a, elle, écrit aux personnels des hôpitaux de la région parisienne pour les remercier d’avoir agi « en héros », Olivier Varnet, responsable du Syndicat national des médecins hospitaliers FO (SNMH-FO) s’est inscrit en faux : « Nous n’avons pas agi en héros, nous avons répondu à notre devoir de médecins ». Patrick Rue (Municipaux de Marseille) a quant à lui estimé que la violence terroriste « ne doit pas évacuer la violence que subissent les sans-emploi et les salariés ».

C’est d’ailleurs en substance ce qu’a fait savoir la fédération dans un communiqué, diffusé le 24 novembre, et dénonçant « le double langage » du gouvernement.

Absence de dialogue social

De nombreux délégués, tant territoriaux qu’hospitaliers, ont souligné les effets délétères des restrictions budgétaires sur le service public et pour les agents. Isabelle Cortebeck-Druelle (territoriaux du Nord) s’est insurgée contre l’absence de dialogue social et la menace d’une réduction de 8% de la masse salariale brandie par les élus. Les fonctionnaires de la collectivité, dont les pompiers qui sont en ligne de mire, ont d’ailleurs prévu de se mobiliser le 3 décembre. Lucas Poinin-Gobalou (Police municipale de Saint-Pierre à La Réunion) s’est alarmé de la baisse des dotations, qui impacte déjà les 42 000 fonctionnaires communaux de l’île, dont 80% de contractuels.

Francis Jolivet, du syndicat FO des territoriaux de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis) a dit sa crainte d’une possible privatisation de la gestion des déchets ménagers de la commune, après le transfert des agents dans un établissement public territorial de la métropole Grand Paris. Il a pointé le risque d’une mobilité forcée pour les agents et d’une augmentation du coût du service pour les habitants de la commune. L’inquiétude pour les emplois grandit, au moment où se prépare la fusion des régions existantes dans de plus grands ensembles. Jacques Castelli, du conseil général de Lorraine, a fait état d’une « forte dégradation des conditions de travail » et pointé « l’absence d’information sur le devenir des personnels », tandis que la fusion des régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne commence en janvier 2016.

Claire Laurent, de la Mairie de Paris, a décrit les conséquences catastrophiques de la mise en place de la réforme des rythmes scolaires à Paris, avec notamment des « contrats indécents » de quelques heures proposés à des animateurs contractuels.

« Le personnel reste la variable d’ajustement »

Du côté de la branche santé de la fédération, de nombreux intervenant, tels Francis Dufour (hospitaliers de l’Oise) ou Gégory Leduc (CHU Amiens), ont rappelé que « le personnel reste la variable d’ajustement » pour éponger les déficits des établissements hospitaliers, dus notamment aux emprunts toxiques. Conséquence : des heures supplémentaires non payées, des comptes épargne temps qui explosent, et des plans d’économies qui détruisent les emplois et le service public.

Jean-Emmanuel Cabo, de l’AP-HP (Hôpitaux de Paris), a rappelé le combat mené par son syndicat contre l’accord sur la réorganisation du temps de travail signé par le syndicat minoritaire CFDT et la direction. « L’AP-HP est le laboratoire d’essai du gouvernement pour remettre en cause le statut des agents de la fonction publique », a-t-il indiqué, dénonçant les dangers du protocole PPCR (Parcours professionnels, carrières, rémunérations). Imposé par le gouvernement, malgré l’opposition massive d’une majorité des syndicats dont FO, le texte va ralentir la carrière de tous les fonctionnaires hospitaliers et territoriaux et permettre la mobilité entre les trois versants de la fonction publique (Etat, territoriale et hospitalière).

Dénonciation des conventions collectives dans la santé privée

Pierrette Pérez, secrétaire générale de l’Union nationale de la santé privée FO a expliqué que la politique d’austérité, « en accélération depuis deux années » se traduisait dans le secteur à but non lucratif, par la dénonciation des conventions collective nationales, la remise en cause des droits et acquis des salariés et par de nombreuses restructurations. Dans le secteur lucratif, « on travaille à flux tendus, les salaires sont tirés vers le bas, et les conflits sont nombreux », a-t-elle rappelé.

Dans les établissements qui accueillent des personnes âgées dépendantes, le manque de moyens conduit à la violence en direction des personnels et des personnes âgées, comme l’ont signalé Evelyne Manzanares, de l’EHPAD Le Castelou à Castelnaudary (Haute-Garonne) ou Yann Aparicio, du centre gériatrique Saint-Jacquel, dans les Pyrénées-Orientales. Le secrétaire général de la fédération Didier Bernus a annoncé dans sa réponse aux intervenants la création d’un groupe de travail dès janvier pour se saisir de cette question.

Philippe Sebastian, qui représentait le syndicat des Centres de lutte contre le cancer, a estimé que « si le plan cancer se veut à la hauteur de ses ambitions, il doit aussi prendre en compte ceux qui œuvrent quotidiennement contre ce fléau », à savoir les salariés.

Face à la casse du service public et aux attaques que subissent les fonctionnaires hospitaliers et territoriaux, une immense majorité des intervenants a considéré que la mobilisation, avec le recours à la grève interprofessionnelle, était plus que jamais d’actualité. Parmi eux, Jean-Michel Piedallu, secrétaire général du syndicat FO des sapeurs-pompiers (SNPP-PATS-FO). Venu de la CFTC avec 5 000 adhérents l’année dernière, il a expliqué qu’en adhérant à FO, ils avaient choisi « la résistance ». Sandrine Gamblin, du centre hospitalier du Nord Cotentin (Manche), a rappelé que si les personnels ont réussi à bloquer un plan d’économies qui prévoyait des réductions d’emploi et menaçait le statut de la maternité, il restaient mobilisés : « Nous n’avons rien lâché, (...) nous ne lâcherons rien pour défendre le service public hospitalier ».

Le congrès a aussi souligné dans sa résolution générale la nécessité de développer l’organisation syndicale. Dans le but d’être encore plus à même de faire valoir les revendications.

Décembre 2015