Transfert d’entreprise

, par udfo53

DEUX CONVENTIONS VALENT MIEUX QU’UNE !

La Cour de cassation vient d’établir encore plus clairement que précédemment que le principe de faveur profitait au salarié quand son employeur était remplacé par un autre lors de cession, fusion, reprise, scission, etc. : il peut opter pour le régime le plus favorable qui lui est immédiatement applicable.

La chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt en date du 10 février 2010 (Cass. soc., 10 février 2010 n°08-44.454), a été saisie de la question du concours de conventions collectives, dans le cas (fréquent en ces temps) du transfert des contrats de travail à la suite d’un changement d’employeur.

En l’espèce, un salarié d’une société relevant de la convention collective des bureaux d’études techniques (dite Syntec) voit, en septembre 2004, son contrat de travail transféré au sein d’une nouvelle entreprise dans laquelle trouve à s’appliquer la convention collective de la métallurgie. Le salarié souhaite obtenir le paiement d’un rappel de prime d’ancienneté mensuelle prévue par la convention collective Syntec pour la période de septembre 2004 à septembre 2006. Celui-ci estimait que dès le 1er septembre 2004, date du transfert de son contrat de travail, la convention de la métallurgie, dont relève son nouvel employeur, lui était applicable.

Le Code du travail prévoit, aux termes de son article L. 2261-14, que « lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis prévu à l’article L2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure ». Autrement dit, le Code du travail organise ainsi une procédure de survie provisoire des dispositions conventionnelles en vigueur chez l’ancien employeur.

Cependant, un salarié peut-il, pendant cette période de survie temporaire, se prévaloir de la convention collective applicable au sein de sa nouvelle entreprise ?

La Cour de cassation consacre clairement la possibilité pour les salariés transférés, pendant le délai de survie, de se prévaloir, selon le plus favorable pour eux, soit de la convention collective dont relève l’ancien employeur, soit de celle en vigueur chez le nouvel employeur : « En cas de transfert du contrat de travail par application des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail (ancien article L. 122-12), la convention collective dont relève le cessionnaire s’applique immédiatement au salarié, les dispositions plus favorables de l’accord mis en cause continuant cependant à lui bénéficier dans les conditions prévues par l’article L. 2261-14 du Code du travail. » En l’espèce, la Cour de cassation, afin de permettre au salarié le bénéfice de la prime d’ancienneté prévue par ce texte dès le 1er septembre 2004, est partie du postulat selon lequel le nouvel employeur appliquant la convention collective de la métallurgie à l’ensemble de son personnel, cette dernière s’est appliquée au salarié dès la date du transfert de son contrat de travail.

En conséquence, pendant le délai de survie, les salariés transférés bénéficient, à la fois des conventions et accords collectifs en vigueur au sein de la société d’accueil, et de ceux qui leur étaient applicables avant le transfert. Bien que cette solution ne soit pas nouvelle (Cass. soc., 24 janvier 1996 n°93-40.745, Guggenheim c/ SA Metalinor), elle n’avait jamais été aussi explicitement énoncée : la question est bel et bien tranchée !

Cette solution indéniablement favorable aux salariés transférés doit tout de même s’appliquer dans le respect des règles classiques régissant les conflits de normes. Autrement dit, les avantages ayant la même cause ou le même objet ne pourront être cumulés : seul l’avantage le plus favorable au salarié pourra recevoir application. Il s’agit là d’une solution protectrice des intérêts du salarié, bien souvent « chahuté », par un transfert d’entreprise indésiré…