Enseignement Prise directe....

, par udfo53

Le 1er février, notre responsable du SNUDI a reçu un courrier d’un professeur des Ecoles actuellement en stage. Nous avons souhaité faire part, sur notre site, de son témoignage. Pour des raisons évidentes nous avons "gommé" tant son nom que son lieu de stage.

PROFESSEUR STAGIAIRE JUSQU’A L’EPUISEMENT ! (*)

"Je suis Professeur des Ecoles Stagiaire (PES) et je vous remercie grandement de nous avoir défendus et représentés lors de la réunion à l’inspection académique du 27 janvier. Vous avez plus que bien synthétisé les problèmes que nous rencontrons et on sait qu’ils sont multiples.

Je me retrouve moi aussi dans une situation limite ubuesque : en stage accompagné en maternelle entre septembre et la Toussaint, on m’a envoyé devant un triple niveau cycle 3 (CE2-CM1-CM2) de novembre à février. Je n’avais reçu aucune formation pour me préparer à cela pendant le stage avec mon maître d’accueil(1). Elle même reconnaissait qu’elle aurait eu du mal à changer ainsi de niveaux.

Je n’ai vu mon maître-formateur(2) qu’une semaine après avoir pris ma classe en responsabilité. Mes visites sont exactement ce que vous avez décrit. En plus cela met une pression qui joue énormément sur le moral. Et en ce moment comme pour beaucoup le mien n’est pas bon (du temps pour rien si ce n’est travailler - vie sociale réduite comme peau de chagrin - sensation de mal faire et de ne jamais en finir).

Mon maître-formateur m’a envoyé mon bilan personnalisé qui met essentiellement en exergue ce qui ne va pas. Jugé Insatisfaisant. Pas de surprise, je m’y attendais. Sauf que je fais de mon mieux et c’est dur à encaisser quand on se donne entièrement à ce que l’on fait.

La CERISE sur le gâteau est l’événement qui s’est déroulé aujourd’hui : l’inspecteur est venu à l’école pour s’informer de ma situation... Et oui. Il a été rapporté lors d’une réunion entre formateurs que j’étais en grande difficulté !? 1) Il venait s’assurer dans un premier temps que je ne suis pas un lampiste 2) Comme aucun détail ne semble lui avoir été fourni, il imaginait forcément le pire... tout en étant contrarié de ne pas avoir été tenu au courant auparavant.

Heureusement que mon directeur me soutient énormément. Celui-ci lui a rapporté qu’il n’avait pas eu écho de difficultés particulières. Il a fait ressortir une situation logique de quelqu’un à qui l’on confie trois niveaux sans qu’il en ait fait avant. J’aurais bien dénoncé de mon côté l’irresponsabilité de l’IA de créer de telles situations. L’IEN est reparti en me souhaitant bon courage...

Là où je suis touché le plus est dans la démarche générale : visite d’information d’un inspecteur, non-formation de la part du maître-formateur par qui on se sent plus jugé et inspecté que formé, manque de soutien et de prise en considération de nos difficultés morales dans les rapports (administratifs certes mais tout de même).

En somme, je suis comme beaucoup de mes collègues, à la fois inquiet, maussade et écœuré."

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Voilà le résultat de la décision de Nicolas Sarkozy, appliquée par Luc Chatel, de « masteriser » la formation des enseignants : un recrutement niveau Bac + 5, ce qui signifie l’impossibilité pour un grand nombre d’enfants de classes défavorisées d’accéder au métier d’enseignant, et une absence de formation professionnelle(3), puisque les stagiaires sont mis sur une classe aussitôt recrutés. Tant pis, au passage, pour les élèves !

Avec en plus, à la clé, la menace d’un licenciement en juin si cette première année n’est pas validée. On demande à quelqu’un qui ne sait pas nager de faire une démonstration de crawl au milieu du grand bassin !

Même le Président de la République, dans ses vœux du nouvel an au « monde de la connaissance et de la culture » a reconnu qu’il fallait « réformer la réforme » …dont il était pourtant le principal instigateur !

FO s’est élevée dès sa mise en place, contre ces dispositions et continue de revendiquer l’abandon de la masterisation et le retour à une réelle formation professionnelle.

En Mayenne, le SNUDI-FO se bat pour faire valoir les droits des stagiaires car non seulement leur temps de formation est déjà réduit à une peau de chagrin, mais, l’inspection académique cherche encore à le diminuer pour des raisons budgétaires !

Et nous n’accepterons pas qu’après avoir usé ces jeunes enseignants jusqu’à la corde, moralement et physiquement, on en jette certains en juin pour « insuffisance professionnelle ». L’insuffisance, et d’une certaine manière la suffisance, sont du côté de l’inspection académique ! Insuffisance en formation, en écoute et en aide.

Laval le 2 février 2011

(*) titre d’un reportage de 4 pages paru dans FO Hebdo du 26 janvier dernier (1) maître d’accueil : enseignant qui a accueilli un stagiaire, en sa présence, sur sa clase entre la rentrée de septembre et les congés de Toussaint, pour un stage d’observation et prise de classe accompagnée (2) maître-formateur : enseignant formateur, partiellement déchargé de classe qui suit et visite plusieurs stagiaires une fois nommés en responsabilité sur une classe. Il conseille, mais évalue également, ce qui brouille son intervention (3) les professeurs stagiaires ont normalement « droit », en plus de leur stage en observation de début d’année, à 6 semaines et demies de stages à l’IUFM, ce que cherche à rogner encore l’inspection académique, par manque de moyens !