Mutuelles fonction publique de l’Etat

, par udfo53

OU EN EST ON ?

La protection sociale complémentaire (PSC) dans la fonction publique est très souvent synonyme de « mutuelle ». Le mouvement mutualiste fondé sur la notion d’entraide, dans un cadre professionnel apermis dès son origine au 19ème siècle un accès à la prévention. Aujourd’hui encore pour nombre de fonctionnaires appartenir à une mutuelle est une démarche naturelle.

Ainsi, à titre d’exemple, aux Ministères Economie et Budget de 90% des agents actifs et retraités sont adhérents à une mutuelle. Ce fort taux d’adhésion des fonctionnaires d’Etat résulte de l’histoire sociale de ces 90 dernières années.

UN BREF HISTORIQUE

En l’absence de droit syndical pour les fonctionnaires les sociétés de mutuelles ont souvent servi de prête nom aux syndicats. Exclus du bénéfice des Assurance sociales (loi du 30 avril 1930) les fonctionnaires ont dû créer ou utiliser leurs mutuelles, ou caisse de secours mutuels pour assurer et gérer leur couverture sociale. Le Conseil National de la Résistance intègre à son programme « un plan complet de Sécurité Sociale ». Il sera mis en oeuvre par les ordonnances d’octobre 1945.

Par ailleurs en octobre 1946 est promulgué le statut de la Fonction Publique. Après des débats internes vifs, la loi MORICE du 9 avril 1947 attribue le droit de continuer à gérer le régime obligatoire pour les agents de l’Etat aux mutuelles tout en organisant une prévoyance complémentaire à la Sécurité Sociale.

Ce sera l’arrêté interministériel du 19 septembre 1962 dit « arrêté CHAZELLE » qui en devient le fondement juridique. Il reconnaît à l’Etat employeur la possibilité de verser une aide et une participation directe et indirecte aux moyens de fonctionnement des mutuelles de fonctionnaires pouvant atteindre 25% de l’ensemble des cotisations des membres participants.

Cet arrêté sera codifié en articles R523-1 et R 523-2 de l’ancien code de la Mutualité, « l’Etat peut accorder aux mutuelles constituées … des subventions … dans des conditions fixées par arrêté ».

Toutefois l’Etat, mauvais employeur, limite son aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé et prévoyance de ses salariés. D’une manière générale sa participation, toutes formes réunies, est inférieure à 5% du montant des cotisations versées alors que la part employeur dépasse souvent les 50% dans les entreprises privées voire bien au-delà parfois.

LE TOURNANT « LIBERAL »

Un recours déposé courant 2003 par MGSP une petite mutuelle créée en 1987 (qui aurait moins de 1000 adhérents !?) soutenue par 2 organisations syndicales (CFTC et CGC) allait avoir de lourdes conséquences, et allait modifier, au travers un nouveau cadre juridique, « le paysage mutualiste ».

L’année 2005 marque ce tournant. C’est d’abord, le 22 juillet 2005, la Commission européenne qui adresse à l’Etat français une recommandation, au nom de la « concurrence libre et non faussée », dénonçant « des financements étatiques discriminatoires aux mutuelles de fonctionnaires », et demandant un découplement de l’assurance complémentaire de l’accès aux oeuvres sociales et enfin une évaluation et une identification comptable des mises à disposition de personnels et de locaux.

Elle engage le gouvernement français à prendre, avant le 1er janvier 2006, les mesures utiles concernant le système d’aides publiques reçues par les Mutuelles réduisant ainsi leur mission à de simples actions mercantiles. A noter qu’à Bruxelles, depuis le début c’est la DG (Direction Générale) « Concurrence » qui pilote ce dossier et que les DG « Affaires Sociales » ou « emploi » n’ont pas voix au chapitre !

C’est ensuite, le 26 septembre 2005, le Conseil d’Etat qui au motif d’une violation du principe d’égalité de traitement devant le service public abroge les textes existants et fixe au gouvernement un délai de 6 mois pour mettre fin à ces errements.

En conséquence, à compter du 27 mars 2006, le versement des aides, directes ou indirectes, de l’Etat aux mutuelles deviendrait illégal.

Au Journal Officiel du 14 juin 2006 parait l’abrogation de « l’arrêté CHAZELLE »

Toutes ces décisions sont lourdes de conséquencessur l’avenir des mutuelles seules garantes d’une protection sociale complémentaire fondée sur un modèle qui garantit dans le cadre mutualiste, l’adhésion volontaire, la non sélection des risques, les solidarités professionnelles, familiales et la couverture des risques longs (incapacité, invalidité, décès).

L’INTERVENTION SYNDICALE

Les principales Fédérations syndicales et notamment la Fédération Générale des Fonctionnaires FO (FGF) refusent la disparition de ce modèle de solidarité.

Un appel conjoint des syndicats de fonctionnaires (FO, CGT, CFDT, UNSA et FSU) et des mutuelles est lancé en janvier 2006 auprès des agents. Elles exigent et obtiennent du gouvernement qu’il ouvre de véritables négociations.

Un groupe de travail interministériel effectue l’expertise juridique sur la solution de substitution à mettre en oeuvre. En parallèle une mission d’audit de l’Inspection Générale des Finances (IGF) et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) fait l’analyse de la situation et trace les pistes d’évolution pour l’intervention de l’Etat.

Cela débouche dans le cadre de la loi de modernisation de la Fonction Publique (Loi 2007 – 148 du 2 février 2007), par l’adoption de l’article 39 qui insère un article 22 bis dans la Loi 83-634 du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires et applicable, de façon transversale, aux 3 fonctions publiques (Etat – Territoriale – Hospitalière).

C’est l’intégration dans le statut général d’un article fondant la participation des employeurs publics à la PSC (Protection Sociale Complémentaire) de leurs agents.

Reste à fixer les règles régissant le nouveau système d’aide à travers la publication d’un décret.

Celui-ci fait l’objet d’explications et de discussions entre la France et la Commission Européenne jusqu’au printemps 2007. Il est validé par le Conseil d’Etat à la mi-mai 2007 et reçoit l’aval de la Commission Européenne le 30 mai.

La nouvelle procédure relève dorénavant du décret 2007-1373 du 19 septembre 2007 paru au Journal Officiel du 21 septembre 2007.

Le texte prend en compte trois exigences essentielles de FO :

 Le couplage entre risques de santé et prévoyance
 L’encadrement de la solidarité notamment vers les retraités
 La prise en compte de l’effectivité des solidarités mises en oeuvre« intergénérationnelle, familiale et en fonction de la rémunération » (Art 9).

Avec ce décret l’Etat employeur, à travers ses différents ministères, peut participer au financement de la PSC de ses agents actifs et retraités en versant des aides à un ou plusieurs organismes (mutuelles – institutions de prévoyance – assurances) après une mise en concurrence préalable « respectant les obligations de transparence et de non discrimination ».

Fixée annuellement, l’aide de chacun des ministères sera versée à chaque organisme dit « référencé » retenu, après signature d’une convention conclue pour une durée de 7 ans.

En ce début d’année 2010 l’état des lieux fait apparaître que huit « ministères » ont publié leur cahier des charges.

A noter qu’à chacun, plusieurs opérateurs ont déposé leurs candidatures (sauf à la Justice) et qu’à chaque fois, face à une mutuelle il y avait une Assurance ou une institution de prévoyance voire les deux. A titre d’exemple au Ministère de l’Education Nationale, ont déposé des candidatures : la MGEN, AXA, APRI et SWISS LIFE.

Ont été retenues à ce jour : √ Education Nationale ► MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale)

√ Affaires Etrangères et Européenne ► MAE santé (Mutuelle des Affaires Etrangères) / MGEN (prévoyance)

√ Economie et Budget ► MGEFI (Mutuelle Générale de l’Economie des Finances et de l’Industrie)

√ MEEDDM1 ► MGET2 (Mutuelle Générale Environnement et Territoires)

√ Justice ► MMJ (Mutuelle Ministère de la Justice)

√ Alimentation, Agriculture et Pêche3 ► SMAR (Mutuelle Générale des personnels de l’Agriculture et des Organismes Rattachés) et MGET (santé) / MGEN (prévoyance)

√ Personnel Civil Défense ► MCDEF (Mutuelle des personnels Civils de la Défense) et MNAM (Mutuelle Nationale Aviation Marine)

√ Office National des Forêts ► GROUPAMA

Au moment où ces lignes sont rédigées restent en attente des avis d’appel à la concurrence, du Ministère du Travail/ Famille/ Solidarité, du Ministère de la Santé, du Ministère de l’Intérieur, de la Caisse des Dépôts et Consignation et du Ministère de la Défense en ce qui concerne les personnels militaires.

UN ETAT DES LIEUX PROVISOIRE

Dans de tels contextes général, économique et financier, et particulier propre à la PSC des fonctionnaires, le monde mutualiste Fonction Publique Etat a bougé : Fusions, rapprochements, créations de structures d’unions, de groupes se sont amplifiés et accélérés. A titre d’exemples, citons la création d’INTERIALE issue de la fusion de 3 mutuelles (préfecture et administration territoriale – Intérieur et personnel de la Police Nationale) ou encore MGEFI fusion de 6 mutuelles (Impôts – Trésor – Douanes – CCRF – Imprimerie Nationale et Industrie) rejointe par une septième (INSEE). Ces deux mutuelles (INTERIALE et MGEFI) se sont par ailleurs regroupées dans une union politique et opérationnelle (UGIM) avec d’autres mutuelles (Justice – Affaires Sociales et Civile de la Défense) pour notamment permettre la maîtrise de l’évolution des cotisations et conforter leur assise financière.

En ce début d’année 2010, vingt huit mutuelles et Unions des trois Fonctions Publiques4 sont fédérées dans une union politique : La Mutualité Fonction Publique (MFP) qui représente plus de 4,3 millions de membres participant et presque le double de personnes protégées. Sa dernière Assemblé Générale (juin 2008) a décidé de mettre en oeuvre un processus d’évolution de la MFP vers la constitution d’une Union plus resserrée.

ET DEMAIN ?

L’accélération des mutations en cours depuis quelques années, transforme considérablement le champ d’intervention des mutuelles. Tous les acteurs réfléchissent à relever les défis du futur face à d’autres acteurs puissants (AXA = 2,5 milliards euros – Malakoff-Médéric = 1,3 milliards euros) qui se concentrent également et notamment face à l’arrivée de nouveaux acteurs type bancassurances qui bénéficient d’un réseau dense et n’ont pour objectif que l’assurance individuelle. Il faut préserver les valeurs fondamentales communes du mouvement mutualiste (Liberté – Solidarité – Non lucrative – Démocratie – Indépendance – Responsabilité). Pour autant les Mutuelles de la Fonction Publique doivent considérer les mutations profondes spécifiques (RGPP – Réforme des structures administratives - évolution des statuts – dispositif légal PSC) qui impacteront, le rôle et la MEEDDMT / Ministère Ecologie- Energie – Développement Durable et de la Mer Issue de la fusion Mutuelle Générale de l’Equipement et des Transports avec la Mutuelle Nature et Forêt et les Haras nationaux place de chacune d’entre elles et leurs rapprochements possibles.

Défi de la réorganisation territoriale de l’Etat : A titre d’exemple cinq ministères et quelques 250 000 agents publics sont impliqués par la nouvelle organisation de l’administration territoriale de l’Etat (RéATE). Cette nouvelle logique d’inter ministérialité va créer des difficultés et faire apparaître des disparités et des concurrences.

Comment les Mutuelles de la Fonction Publique concernées, jusque là organisées par ministères, vont-elles s’adapter ?

Défis du futur face à une situation démographique de vieillissement des groupes qui aura des effets importants sur le risque et donc des effets sur les tarifs surtout si la protection complémentaire subit des transferts de charges massifs avec un recul du risque obligatoire.

Défi démographique aussi dans la mesure où 100 000 postes de fonctionnaires ont été supprimés entre 2007 et 2010 avec un objectif de 300 000 suppressions d’ici les trois prochaines années !

Défi également de l’effacement des frontières traditionnelles, quand les Institutions de Prévoyances assurent des contrats individuels et les Mutuelles des contrats collectifs !

La couverture individuelle sera-t-elle demain réduite à la seule Fonction Publique ?

Défi enfin du transfert massif (avec l’accord implicite voire explicite de le FNMF) du régime général vers les complémentaires.

Mais ceci est une autre histoire…..