LA FEETS FO EN CONGRÈS

, par udfo53

« NE COMPTONS QUE SUR NOUS-MÊMES »

C’était à Guidel, dans le Morbihan, du 8 au 10 octobre, devant deux cents délégués venus de différents secteurs, de la fonction publique à l’aviation civile en passant par la météo, de la mer à la navigation fluviale, de la manutention ferroviaire aux autoroutes, de la sécurité au nettoyage. Un point commun : la déréglementation.

Equipement, Environnement, Transports et Services, rien qu’à l’énoncé on comprend que la FEETS FO couvre un champ de syndicalisation étendu et varié. Trois chiffres : plus d’un million de salariés, trente conventions collectives, dix établissements publics et plusieurs administrations de l’État.

La FEETS a tenu son Xe congrès à Guidel, dans le Morbihan, du 8 au 10 octobre, devant quelque deux cents délégués. Son bureau fédéral a présenté à plusieurs reprises des secrétaires confédéraux, qui étaient là, René Valladon, aujourd’hui à la retraite, Yves Veyrier, actuellement chargé de la communication, deux anciens secrétaires généraux de la fédération, et Pascal Pavageau, chargé de l’économie.

Morbihan, « petite mer » en breton, un nom qui va bien à ce golfe, avec ses 830 km de côtes et ses cinquante-sept ports. La crise ne l’a pas épargné. « Si les PME-PMI ont mieux résisté, les industries traditionnelles en profitent pour restructurer », a expliqué Pierrick Simon à l’ouverture des travaux. Le Secrétaire général de l’Union départementale –c’était une semaine avant que colère éclate en Bretagne– décrivait une situation où, « dans l’agroalimentaire, la curie ne fait que commencer ». Évoquant les ravages provoqués chez les fonctionnaires d’État par la Révision générale des politiques publiques (RGPP), puis la Modernisation de l’action publique (MAP), Pierrick Simon a lancé ce cri d’alarme : « La France a pu arrêter la vache folle, mais la disparition des contrôles sanitaires fait que, si ça continue, manger du porc conduira à nous faire de nouveaux amibes ».

Le congrès n’a pas démenti. Au contraire, sa résolution générale dénonce en particulier la décision du gouvernement de créer une agence française de la biodiversité, « pour mieux étendre la MAP aux établissements publics liés à l’environnement ». Jean Hédou, Secrétaire général, dont la réélection a été très applaudie en séance plénière, a marqué la différence : « Préserver l’environnement, ce n’est pas adhérer au dogme de l’écologie et des écologistes et à leur politique réactionnaire. »

Une vingtaine de délégués sont intervenus. Autant de témoignages de ceux qui, de la météo aux affaires maritimes, des transports −terrestre et aérien− aux ouvriers d’État dont l’État ne veut plus, subissent les mêmes politiques régressives. D’où ce cri de ralliement : « Ne comptons que sur nous-mêmes. »

LA MÉTÉO SE DÉTRAQUE

De belles éclaircies pendant trois jours avec, le hasard avait bien fait les choses, le premier orateur, Michel Gouverneur, venant de la météo où le climat n’est plus au beau fixe : « Un budget amputé de 20% en l’espace de trois ans et, à la suite du rapport de 2006 de la Cours des comptes, un plan de réorganisation faisant passer le nombre des centres locaux de 109 à 55, avec des agents obligés de déménager, et ce, au détriment du service rendu au public. » Dans sa réponse, Jean Hédou est allé plus loin : « Une météo par département, ça ne sert à rien, contre les inondations en particulier. On joue avec la vie de nos concitoyens. »

Dans les administrations publiques liées à la FEETS, la disparition du ministère de l’Équipement, puis la scission du ministère de l’Écologie ont porté des coups à l’unicité du territoire −et à l’égalité républicaine−, tout en permettant au gouvernement de supprimer des milliers d’emplois. Les agents sont passés de la RGPP, avec ses 560 mesures, à la MAP et ses 1.000 mesures. Tous les syndicats FO des directions départementales interministérielles concernées étaient représentés au congrès. Richard Enrard a ironisé : « Vu le passage de la fonction publique au privé, il va falloir apprendre le droit du privé. » Jean-Pierre Moreau, lui, a rappelé : « Sarkozy a transformé le MEEDDM en MEDDTL et les services en établissements publics pour mieux sortir les agents du budget de l’État. En 2012, Hollande arrive et les restructurations continuent. » LA RGPP ET LA MAP CONTRE LE MODÈLE RÉPUBLICAIN

Le transfert des inspecteurs et des délégués du permis de conduire vers le ministère de l’Intérieur est un exemple de ce dépeçage. Sylvie Calvo y voit « un plan social sans garanties pour les agents », et Daniel Rozczko met en garde : « On nous balade pour nous faire croire que nous allons garder notre statut. » Dans un tel contexte, FO se félicite d’avoir résisté à la fusion des corps, autre machine de guerre contre les fonctionnaires. Laurent Janvier a rappelé « la mobilisation historique des ingénieurs des Travaux publics de l’État (TPE) de 2012, obligeant le gouvernement à abandonner son projet », tandis que Jean-Christophe Leroy (Agriculture) confirmait de son côté « une fusion des corps combattue avec succès par et pour 3.800 ingénieurs ».

Jean Marinho Dias s’inquiétant quant à lui pour les ouvriers des parcs et ateliers : « D’après la Cour des comptes nous coûtons trop cher, d’où un moratoire pour arrêter les recrutements. Pour 2013, FO a réussi à stopper ce moratoire, mais après, quel avenir ? » Quant à Gilbert Babolat, il résume : « Le ministère a donné les clefs aux préfets de Région : d’un côté la désertification des services ruraux et ses conséquences sur les maires, de l’autre le désarroi des agents et les risques psychosociaux. » Risques que confirme Thierry Iva : « Le CHSCT ministériel est souvent sollicité pour des traumatismes liés à la désorganisation du travail. »

Jean Hédou et Jean-Claude Mailly ont l’un et l’autre accusé l’Union européenne (UE). Pour le premier, « la politique budgétaire se fait dorénavant à Bruxelles et les gouvernements nationaux ne se comportent plus qu’en subsidiaires. L’UE, avec le FMI et la Banque mondiale, impose la baisse des rémunérations des actifs et des retraités, liquide le secteur public et impose la flexibilité ». Le second a regretté que « François Hollande, en campagne, ait promis de renégocier le traité européen TSCG pour l’accepter tel quel sitôt élu, avec un pacte de croissance dont plus personne ne parle aujourd’hui ». Pour Jean-Claude Mailly, « l’économie est dans la seringue de l’austérité, d’où la pression sur les dépenses, publiques et sociales, comme sur le coût du travail ». Quant à réformer les retraites, « il n’y avait pas d’urgence. Il manquerait 7 milliards dans le privé en 2020 ? Pour Dexia, on a trouvé 6,5 milliards en un jour. Cette contre-réforme est la sixième en dix ans et on la combat ».

DANS LA SERINGUE DE L’AUSTÉRITÉ

Autre gros secteur de la FEETS, le transport aérien. « Déréglementation, perte d’effectifs, l’Union européenne est une machine de guerre contre nous », a dénoncé Serge Gentili (Aéroports de Paris). Exemple, l’assistance aux compagnies : « Plus de personnel sur les tarmacs, mais des patrons voyous aux valises pleines de fric. ADP est détenue à 52% par l’État tout en étant cotée en Bourse et, derrière, il y a Vinci et le Qatar. » Les délégués des syndicats d’Air France ont décrit les effets de la libéralisation. « En six ans, 12.000 suppressions d’emplois ou licenciements, soit dix-sept fois Florange, a souligné Florient Gohier avant de décrire les circonstances déloyales : les concurrents du Golfe qui ne paient pas le pétrole, ou très peu, ni leurs salariés, ou très peu. » Confirmant « la situation délicate d’Air France (1.826 nouvelles suppressions d’emplois annoncées au CCE du 4 octobre), Didier Dague a lancé un appel aux pouvoirs publics, « tant au niveau national qu’européen, pour qu’ils défendent les compagnies aériennes. Ne pas le faire reviendrait à les condamner à la disparition. » Quant à Michelle Levy Azzera (Personnel navigant commercial), elle a rappelé le « mouvement de grève reconductible » lancé par son syndicat, du 20 au 24 novembre, « contre la dégradation des conditions de travail des hôtesses et des stewards, devenues dangereuses ».

Oct 2013