L’AUGMENTATION DES SALAIRES, UNE IDÉE QUI FAIT SON CHEMIN

, par udfo53

Sur le plan économique et social, 2010 s’est achevée sans susciter ni regrets ni nostalgie. Avec 260 000 emplois de perdus en France, un pouvoir d’achat compressé ou le recul de l’âge de départ en retraite, l’année dernière est à ranger dans la catégorie des millésimes à oublier. Mais sur un plan plus général, 2010 restera aussi comme un temps fort dans les antagonismes que la crise économique a mis en lumière.

Petit rappel historique : en 2008, les économies occidentales entrent brutalement en récession dans la foulée de l’effondrement des fameux subprimes états-uniens. Tout un modèle économique, basé sur le crédit (et notamment l’endettement des ménages) de préférence au pouvoir d’achat et à l’élévation réelle du niveau de vie, vacille.

L’incroyable se produit en 2009. Alors que les dirigeants ont expliqué pendant des années être à la tête d’États « en faillite » (F. Fillon) dont les caisses étaient théoriquement vides – tout du moins pour financer la protection sociale et les services publics –, voilà que les gouvernements trouvent subitement des milliards d’euros pour voler au secours des banques et autres institutions financières dont la responsabilité dans la crise est pourtant avérée. Naturellement, le sauvetage se fait à grand renfort de communication sur le mode « avec cette crise, plus rien ne sera comme avant ». On prévoit la fin prochaine des agences de notation financière et le président de la République annonce même que les paradis fiscaux ont disparu.

En 2010, un nouveau pas est franchi. Sous le joug d’agences de notation plus puissantes que jamais, les gouvernements annoncent que le moment est venu de régler la facture des plans de sauvetage. S’engage alors une confrontation pour déterminer qui devra payer avec, grosso modo, deux voies possibles.

La première consiste à faire reposer sur les populations l’essentiel de l’effort en remettant en cause les acquis sociaux et les services publics, sous couvert de lutte contre les déficits budgétaires. Elle est à l’œuvre dans la plupart des pays européens, sous l’impulsion notable du FMI, et suscite des résistances fortes, notamment en Grèce, en Espagne ou au Portugal, pays dans lesquels les syndicats n’ont pas hésité à organiser des journées de grève générale massivement suivies. Avec la réforme des retraites et la poursuite de la RGPP, la France s’engage aussi dans cette perspective. Pour l’enjoliver, ses promoteurs développent deux idées-forces. La première voudrait que cette politique soit la meilleure et la seconde qu’elle est de toute façon la seule possible. Il s’agirait, par exemple, de renforcer la Commission européenne en lui transférant le pouvoir budgétaire traditionnellement dévolu à chaque État membre. En clair, ceux-ci ne fixeraient plus que de vagues priorités dans un montant fixé et contrôlé par l’Union européenne, qui vérifierait l’adéquation du budget aux critères de Maastricht.

La seconde voie consiste à relancer la machine économique en soutenant la demande, ce qui passe concrètement par une augmentation du pouvoir d’achat des ménages. Depuis longtemps, Force Ouvrière attache une place importante aux revendications salariales. Mais aujourd’hui, de plus en plus d’économistes* constatent en effet que les augmentations de salaires favoriseraient la sortie de crise. Tout d’abord, en termes d’efficacité, elles dynamisent la consommation qui est l’un des principaux piliers de la croissance. Baisser l’impôt d’un milliardaire ne va pas le faire consommer plus, alors qu’augmenter le SMIC a un impact direct sur le mode de vie de millions de salariés. Ensuite, elles augmentent les recettes des régimes de protection sociale qui ont servi d’amortisseurs sociaux depuis 2008. Enfin pour des raisons de justice sociale, car les salariés ont déjà payé un lourd tribut à une crise qu’ils n’ont ni souhaitée ni provoquée.

La confrontation entre ces deux voies a émergé en 2010 et il est vraisemblable qu’elle se poursuivra, voire s’amplifiera en 2011. Car, malgré la propagande, la réduction des déficits ne fait pas l’unanimité. Selon une enquête d’opinion parue dans Les Échos du 21 décembre dernier, seuls 24% des Français la considèrent « comme un domaine d’action parmi les plus prioritaires ». Loin derrière la lutte contre le chômage (64%) et l’amélioration du pouvoir d’achat (50%).

* Le magazine économique l’Expansion n’a pas hésité à mettre en couverture, dans son numéro de décembre, un dossier intitulé « Augmenter les salaires ».

5 JAN 2011