Inaptitude au travail : Ce qu’il faut savoir

, par udfo53

Le régime de l’inaptitude est complexe. En effet, bien qu’il soit composé, pour partie, d’un tronc commun de règles, il énonce des règles distinctes selon que l’inaptitude est ou non d’origine professionnelle.

Règles communes :

Seul le médecin du travail est compétent pour apprécier l’aptitude médicale du salarié à son poste de travail (Cass. soc., 21 mai 2002, n°00-41.012) ; l’avis du médecin traitant et celui du médecin-conseil de la Sécurité sociale sont sans portée juridique.

La constatation de l’inaptitude a lieu, le plus souvent, lors de la visite médicale de reprise, c’est-à-dire celle qui marque le terme de la période de suspension du contrat de travail. Cette visite a pour but d’apprécier l’aptitude du salarié à reprendre son emploi. C’est en principe à l’employeur de l’organiser dans les huit jours de la reprise du travail, à défaut de quoi il engage sa responsabilité (Cass. soc., 28 juin 2006, n° 04-47.746).

Néanmoins, l’inaptitude peut également être constatée lors d’une visite d’embauche, d’une visite périodique ou d’une visite sollicitée par le salarié. Dans tous les cas, l’inaptitude ne peut être constatée qu’à l’issue de deux visites espacées de deux semaines, excepté si le médecin du travail constate un danger « immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celle des tiers », après un unique examen médical (R. 4624-31).

Lorsque le médecin du travail constate l’inaptitude du salarié à reprendre son emploi, l’employeur a l’obligation de chercher à le reclasser, qu’il s’agisse d’une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle ou à un accident du travail ou pas (L. 1226-2 et L. 1226-10). L’avis d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise ne le dispense pas de respecter son obligation de reclassement. La recherche de reclassement doit s’étendre à l’ensemble de l’entreprise, voire du groupe auquel elle appartient et peut consister en une mutation, transformation d’emploi ou un aménagement du temps de travail. Surtout, l’employeur doit tenir compte des recommandations émises par le médecin du travail. Le salarié qui n’est ni reclassé ni licencié à l’issue du délai d’un mois à compter de l’examen de reprise du travail, doit recevoir le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat (L. 1226-4 et L. 1226-11). S’il prononce le licenciement, l’employeur doit respecter la procédure applicable au licenciement pour motif personnel. Quant au salarié protégé, son licenciement pour inaptitude oblige l’employeur à respecter deux procédures : celle tenant à l’inaptitude et qui sera fonction de son origine professionnelle ou extraprofessionnelle, ainsi que celle tenant au statut protecteur des salariés protégés. Autrement dit, l’employeur doit solliciter auprès de l’inspecteur du travail une autorisation administrative de licenciement.

Règles spécifiques :

Le régime de l’inaptitude consécutive à un accident de travail ou à une maladie professionnelle s’avère, à de nombreux égards, plus favorable que celui relatif à l’inaptitude d’origine non professionnelle.

En effet, lorsque l’inaptitude est consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le Code du travail oblige l’employeur à consulter les délégués du personnel avant de proposer au salarié un reclassement (L. 1226-10).

L’inobservation de cette formalité est sanctionnée par la réintégration du salarié dans l’entreprise ou l’octroi d’une indemnité ne pouvant être inférieure à 12 mois de salaire (L. 1226-15). Rien de tel n’est prévu s’agissant de l’inaptitude d’origine non professionnelle.

De la même manière, le salarié déclaré inapte à la suite d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle bénéficie depuis le 1er juillet 2010 (loi n°2008-1330, 17 décembre 2008, art. 100), pour la période nécessaire à la recherche d’un poste de reclassement, d’une indemnisation temporaire versée par la CPAM : « l’indemnité temporaire d’inaptitude ».

À l’inverse, les salariés dont l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle sont exclus de ce dispositif et ne sont donc pas rémunérés ou indemnisés en l’attente d’un reclassement. Par ailleurs, la jurisprudence considère que lorsque le salarié inapte est licencié, l’indemnité compensatrice de préavis n’a en principe pas à lui être versée, dans la mesure où il n’est pas en état de travailler. Le contrat se poursuit alors jusqu’à l’échéance normale du préavis et le salarié ne peut prétendre à aucun dommages et intérêts, alors même qu’il ne perçoit plus aucun revenu et ne peut pas encore bénéficier de la prise en charge par Pôle emploi.

Néanmoins, là encore, il existe une exception. En effet, en cas d’inaptitude consécutive à un accident de travail ou à une maladie professionnelle, le Code du travail prévoit le versement d’une indemnité compensatrice de préavis (L. 1226-14). Enfin, seul le salarié licencié à la suite d’une inaptitude d’origine professionnelle a droit à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité de licenciement (L. 1226-4).

Le régime de l’inaptitude mériterait vivement d’être réformé afin, notamment, de remédier à l’insécurité financière dans laquelle se trouve le salarié dont l’inaptitude n’est pas d’origine professionnelle. Le gouvernement a récemment présenté, lors des assises de la simplification de la réglementation, quatre-vingts propositions dont certaines sont relatives à l’inaptitude au travail. Parmi ces propositions, il a été envisagé d’autoriser la rupture effective du contrat de travail dès la notification du licenciement pour inaptitude, dans le but de permettre au salarié qui ne peut exécuter son préavis de percevoir le chômage. Espérons alors qu’une réforme concrète soit bel et bien en construction…