Discrimination syndicale

, par udfo53

En théorie, le Code du travail interdit « à tout employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale » d’un salarié pour lui appliquer une différence de traitement. En cas de litige, si la preuve n’incombe pas au demandeur, il doit cependant amener des indices fondés sur des faits. Dans le rapport de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations), remis le 13 mai, les activités syndicales occupent la quatrième position après l’origine, le handicap et l’âge…

Les juges doivent apprécier largement les éléments, fournis par le salarié, laissant supposer une discrimination syndicale. Telle est la consigne laissée par la Cour de cassation dans un arrêt du 30 avril dernier (Soc., 30 avril 2009, n°06-45.939).

Trop nombreux sont les représentants du personnel qui sont victimes de discriminations intolérables ; elles sont cependant de plus en plus judiciairement punies (et réparées).

L’arrêt rendu par la Haute juridiction concerne un problème d’évolution de carrière, discrimination récurrente à l’encontre des représentants syndicaux. Le salarié, engagé en qualité de mécanicien, a constaté qu’il n’avait plus bénéficié d’aucune promotion depuis que ses activités syndicales avaient débuté. Il avait alors comparé sa situation à celle de cinq autres salariés placés dans une situation qu’il considérait comme équivalente. La cour d’appel l’avait débouté de ses demandes, estimant que les salariés auxquels il s’était comparé n’occupaient pas un emploi similaire (en raison de leurs horaires de travail et de la technicité des tâches).

La Haute juridiction censure l’arrêt de la cour d’appel. La Cour de cassation admet quant à elle qu’une comparaison entre le salarié et d’autres se trouvant dans une situation semblable et non pas identique est tout à fait valable. Elle élargit ainsi le champ d’appréciation des critères permettant de comparer différents postes de travail.

À ce propos, il est intéressant de rappeler que la règle « à travail égal, salaire égal » est, quant à elle, plus exigeante, puisque la comparaison s’effectue uniquement entre salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale (sauf si ces différences reposent sur des raisons objectives).

Par ailleurs, la chambre sociale estime qu’à partir du moment où la cour d’appel constate « qu’il était établi que le salarié avait fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires et d’une tentative de licenciement en raison de “son activité syndicale soutenue au sein des IRP”, lui allouant de ce chef une indemnité en réparation du préjudice moral qu’il avait subi du fait de cette “attitude fautive réitérée de l’employeur”, elle doit constater que le salarié présente des éléments laissant supposer une discrimination syndicale et renvoie à l’employeur la preuve de l’absence d’une discrimination ».

Rappelons qu’antérieurement, le salarié qui se prétendait discriminé devait apporter la preuve de cette discrimination. Mais depuis un arrêt du 28 mars 2000, la Cour de cassation pose une règle nouvelle selon laquelle le salarié syndicaliste doit dorénavant présenter des éléments laissant supposer une discrimination et non plus prouver l’existence de celle-ci. S’il apporte de tels éléments, il appartient ensuite à l’employeur de prouver que sa ou ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination (position consacrée par le législateur par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discrimi-nations, art. L.122-45 al.4 ancien, L. 1134-1 nouveau).

Ainsi si le juge ne peut pas se substituer à l’employeur pour apprécier les compétences du salarié, il doit cependant apprécier largement les indices laissant supposer une discrimination syndicale. En ce domaine, l’employeur reste bien seul juge de l’aptitude professionnelle et de l’organisation de son entreprise. Pour autant, cela ne signifie pas que le juge ne peut pas contrôler les décisions patronales, car précisément ces décisions doivent être justifiées par des considérations objectives d’organisation de l’entreprise.

Si cet arrêt n’est pas en lui-même une innovation, il marque une forte avancée dans la lutte contre les discriminations. On peut d’ailleurs se réjouir que, ce sur plan, le droit positif français avance à grands pas sous l’influence, ici bénéfique, du droit communautaire.