Discrimination et égalité salariale

, par udfo53

Je fais le même travail que mon voisin d’atelier, de bureau. Le patron a-t-il le droit de me payer moins ? S’il outrepasse ses prérogatives, comment le prouver ? Et comment mettre fin à l’injustice ? Un principe simple, si vous estimez en être victime, manifestez-vous. Ce sera à l’employeur de prouver qu’il n’a pas commis de faute.

Du fait de son pouvoir de direction, l’employeur a le droit de payer différemment ses salariés. Mais si certaines différences de salaire ont un motif légitime, certaines autres sont interdites et certains motifs sur lesquels l’employeur peut fonder une différence sont prohibés. Quand est-on discriminé, quand y a-t-il atteinte au principe d’égalité salariale ? Quelques éléments de réponse :

1. Discrimination

Définition : en droit du travail, toute différence entre les salariés n’est pas une discrimination. D’un point de vue terminologique, une discrimination est donc une différence fondée sur un motif prohibé par la loi. C’est l’article L.122-45 qui contient, dans le Code du travail, le régime afférent au traitement des discriminations :

 l’article précise tout d’abord son champ d’application, autrement dit sont énoncés les actes de l’em-ployeur qui pourront donner lieu à une discrimination, même si l’acte n’impacte qu’indirectement. La liste est longue et variée – non limitative de surcroît, allant de l’accès à un emploi (recrutement, stage) ou une formation à la cessation du contrat de travail (licenciement, non-renouvellement d’un CDD), en passant par les aléas de la vie d’un salarié (sanction disciplinaire, promotion, affectation, mutation). La rémunération, élément incontournable du contrat de travail, figure bien évidemment dans la liste. La notion de rémunération est ici à entendre très largement, puisque tous les gains et autres avantages salariaux pourront faire l’objet d’une discrimination ;

 mais pour qu’une discrimination soit reconnue, il faut que l’acte de l’employeur se fonde sur un motif prohibé par la loi. L’article L.122-45 dresse à cet effet un large inventaire de motifs pouvant constituer une discrimination : âge, sexe, mœurs, situation de famille, origine, apparence, handicap, activité syndicale, exercice normal du droit de grève, opinions politiques ou même témoignages contre les agissements discriminatoires de l’employeur, etc.

En résumé, si une différence de rémunération a pour réel fondement, et ce, peu important le motif mis en avant par l’employeur pour se justifier, un des motifs énoncés au sein de l’article L.122-45, le salarié pourra agir et demander, pour le passé, une régularisation (dans la limite de la prescription quinquennale), et pour le présent, une remise à niveau et une indemnité plus générale visant à compenser le préjudice subi du fait de la discrimination.

Comment prouver une discrimination ? Conscient de la difficulté pour le salarié de rapporter la preuve d’une discrimination, le législateur est venu en aménager la charge.

Le salarié devra simplement avancer devant le juge des faits ou éléments susceptibles de constituer une discrimination. Ce sera alors à l’employeur de démontrer que sa mesure était fondée sur un juste motif. Le salarié allègue, l’employeur prouve

2. L’égalité salariale

Définition : il est des situations où une différence de salaire ne relève pas d’un cas de discrimination, où sans raison particulière le salaire ou les avantages salariaux sont différents d’un individu à un autre. C’est précisément dans ces cas-là qu’interviennent les mécanismes de l’égalité des conditions de travail et plus particulièrement de l’égalité salariale :

 La loi tout d’abord impose l’égalité salariale entre les salariés titulaires de contrats précaires et les autres. Les salariés en contrat de travail temporaire (art. L.124-4-2 du Code du travail) et les salariés en contrat à durée déterminée (art. L.122-3-3 du Code du travail) devront ainsi percevoir une rémunération qui ne pourra être inférieure au montant de la rémunération que percevrait, dans la même entreprise, après période d’essai, un salarié sous CDI de qualification équivalente ou occupant les mêmes fonctions.

Les salariés à temps partiel devront quant à eux percevoir une rémunération proportionnelle à celle d’un salarié qui, à qualification égale, occupe un emploi à temps complet équivalent dans l’entreprise (art. L.212-4-5 du Code du travail).

 La loi, ensuite, impose l’égalité salariale entre hommes et femmes (art. L.140-2 du Code du travail). La loi dispose à ce titre que « tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre hommes et femmes ».

 Le juge, enfin, est quant à lui venu élargir la portée de la notion d’égalité salariale puisque par un arrêt du 29 octobre 1996, la chambre sociale de la Cour de cassation a appliqué le principe « à travail égal salaire égal » aux salariés d’un même sexe.

Il existe donc toute une série de cas pour lesquels l’égalité est de mise. Mais il faut faire montre d’une grande précaution lorsqu’un salarié entend en bénéficier.

Comment prouver une inégalité salariale ?

Pour pouvoir prétendre à l’égalité en matière salariale, la situation du salarié doit correspondre à certains critères. Il faut, avant toute chose, vérifier que les salariés sont soumis à un statut collectif identique et, plus important encore, qu’il y a un réel « travail égal » ou de valeur égale.

La qualité du travail, l’ancienneté dans l’entreprise, l’expérience professionnelle, le diplôme, une contrainte particulière sont autant de différences objectives qui peuvent permettre à l’employeur de pratiquer des distinctions en matière salariale. Pour pouvoir prétendre à un salaire égal, il faut donc que l’employeur n’ait aucune raison objective de pratiquer une disparité. À charge pour le salarié ou son défenseur d’argumenter et de convaincre le juge.

Le salarié devra donc soumettre au conseil de prud’hommes des éléments de fait qui laisseraient supposer qu’il exerce bien un « travail égal » – et cet aspect des choses est fondamental, dans de trop nombreux cas le juge déboute le salarié du fait de l’absence d’un véritable travail égal entre les individus – ou, dans le cas d’une inégalité homme-femme, un travail de valeur égale. Par ailleurs, le salarié devra avancer des faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

L’employeur devra quant à lui rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence (Cass. soc. 28 septembre 2004, Bull. Civ. V, n°228). Ici encore, le salarié avance des éléments, la charge de la preuve pesant sur l’employeur. Si le juge fait droit à la demande du salarié, celui-ci pourra obtenir, comme pour la discrimination, une régularisation de sa situation pour le passé et le présent, en complément d’une éventuelle indemnité.

Opèrent donc de concert deux concepts lors de la contestation de différences salariales : l’égalité et la non-discrimination. Mais l’un comme l’autre doivent être maniés avec prudence et dextérité.

La loi et le juge ont tissé une toile juridique, un maillage, permettant de sanctionner toute différence salariale illégale, à charge pour le salarié de choisir la voie qui conviendra le mieux à son cas.

Lexique :

Prohibé Défendu, interdit par une mesure légale. Ce terme est souvent appliqué à des armes. Il peut l’être aussi, on le voit, à des comportements, au demeurant parfois dangereux...

Déboute Un juge déboute quelqu’un losque son arrêt, son jugement, rejette sa demande ou sa prétention.