Dépendance et perte d’autonomie

, par udfo53

Fausses évidences, chiffres arrangés et déclarations alarmistes : le débat sur la dépendance commence mal.

AVANT-PROJET ET ARRIÈRE-PENSÉES

Aux dires du gouvernement, le chantier de la dépendance et de la perte d’autonomie n’en est qu’au début et aucune décision n’a encore été prise. Mais derrière ce discours officiel, de nombreux éléments posent question, notamment eu égard à la méthode retenue et, surtout, aux déclarations faites ici ou là.

La question de la dépendance est la plupart du temps présentée comme un problème qui concerne exclusivement les personnes âgées alors que, dans la réalité, n’importe qui, quel que soit son âge, peut être touché par la perte d’autonomie. De plus, elle ne concerne pas non plus toutes les personnes âgées ; les prévisions estiment ainsi que seulement 15% d’une génération atteignant l’âge de 65 ans deviendront dépendants. Un chiffre à ne pas négliger, mais qui atténue l’idée selon laquelle la question de la dépendance est la contrepartie de l’augmentation de l’espérance de vie et du vieillissement de la société.

Directrice de recherches à la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV), Claudine Attias-Donfut estime, dans une tribune parue dans le journal Le Monde du 8 janvier, que les perspectives catastrophistes sur l’ampleur du phénomène sont « à nuancer, compte tenu des incertitudes sur l’évolution de l’état de santé, sur l’impact des progrès de la médecine (notamment dans le traitement de la maladie d’Alzheimer), et aussi en raison de la diminution probable du vieillissement démographique après la disparition des générations du baby-boom ».

Idem pour la façon dont est posé le coût de la dépendance pour la société. Le ministre du Budget a annoncé, dès novembre, qu’il allait falloir trouver 30 milliards pour financer la perte d’autonomie. Un chiffre faramineux, surtout en période d’austérité budgétaire, issu d’une estimation pour 2025 réalisée par le Centre d’analyses stratégiques. Mais les dépenses consacrées à la dépendance avoisinent déjà les 22 milliards d’euros, ce qui signifie que le besoin de financement n’est que de 8 milliards d’euros au lieu de 30.

L’utilisation de chiffres tronqués, le recours à l’amalgame (personnes âgées = dépendants) et l’exagération du phénomène ne sont pas sans rappeler la façon dont a été amorcée la réforme des retraites. Elle sert à répandre dans l’opinion un sentiment de peur et d’impuissance afin de mieux présenter, dans un second temps, des mesures impopulaires.

Les déclarations publiques de l’exécutif ne rassurent pas d’avantage. Le 16 novembre dernier, le président de la République déclarait à la télévision : « Nous réglerons la question de la dépendance [...] et apporterons une réponse à l’angoisse des gens [...]. Faut-il faire un système assuranciel ? Obliger les gens à s’assurer ? Faut-il augmenter la CSG ? » Sur le même mode faussement interrogatif, le Premier ministre annonçait, dans sa déclaration de politique générale, « il faudra [...] sérier les pistes de financement : assurance obligatoire ou facultative, collective ou individuelle ? ».

En clair, toutes les options sont envisageables : la Sécurité sociale obligatoire et collective, tout comme un système assuranciel privé.

Comme par hasard, un rapport présenté à l’Assemblée nationale en juin 2010 répond, par anticipation, à ces questions. Présenté par la députée UMP Valérie Rosso-Debord, il préconise de « rendre obligatoire, dès l’âge de cinquante ans, la souscription d’une assurance perte d’autonomie liée à l’âge et assurer son universalité progressive par la mutualisation des cotisations et la création d’un fonds de garantie ».

Soit l’obligation de s’assurer (comme pour une voiture) auprès de compagnies privées qui géreront un fonds de garantie en lieu et place de la Sécurité sociale. À peine entamé, le débat sur la prise en charge de la dépendance commence sous des auspices bien inédits...

Jan 2011