De l’art d’instrumentaliser politiquement la négociation collective....

, par udfo53

Depuis quelques mois, les organisations syndicales et patronales négocient ou se rencontrent sur des sujets aussi divers que les jeunes face à l’emploi, le paritarisme, les instances représentatives du personnel. La pratique contractuelle, la négociation collective font partie de la tradition du mouvement ouvrier pour défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs. C’est l’une des formes du rapport de forces, qui peut aboutir parfois au compromis qu’est l’accord collectif.

Mais parfois un choc des « titans » se produit entre le contrat et la loi ! C’est le cas actuellement avec la proposition de loi déposée par le député Gérard Cherpion et qui relève l’obligation du nombre d’alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés (passage de 3% à 4%). Si l’entreprise n’atteint pas ce quota, elle est pénalisée en payant une Contribution supplémentaire d’apprentissage (CSA). La Confédération avait déjà fait savoir qu’elle n’était pas opposée à cette hausse, dans la mesure où, parfois, les contrats en alternance sont un des moyens pour des jeunes de mieux s’insérer dans l’emploi.

Et là, le patronat entre en scène ! Avec un empressement inconnu jusqu’alors, il faut à tout prix parler de l’alternance. Résultat : un article permettant de déroger à la taxe supplémentaire d’apprentissage si les branches professionnelles affichent un taux de progression de contrat en alternance d’au moins 10% par an ! Impressionnant ! Petit problème, tout le monde sait que ce texte est totalement inapplicable, ne serait-ce que parce qu’il pose la question fondamentale de l’égalité de traitement devant la loi fiscale. Mais peu importe, trois signataires sont trouvés (CFDT, CFE-CGC, CFTC) et le patronat de brandir ce texte devant les parlementaires en leur demandant de respecter la volonté absolue des signataires.

Quelle est la morale de cette histoire ? il y en a au moins deux : premièrement, certains se prennent pour des colégislateurs, déniant aux élus du peuple le pouvoir de modifier un texte lorsqu’il émane d’un accord collectif, ce qui revient, accessoirement, à remettre en cause le droit d’amendement, qui est un droit constitutionnel, et c’est confondre délibérément démocratie politique et démocratie sociale. Deuxièmement, la négociation collective est un des instruments de l’indépendance syndicale. L’utiliser à des fins politiques, c’est nier ce pourquoi elle est faite, la recherche d’un compromis temporaire entre des intérêts fondamentalement antagonistes.

Finalement, d’aucuns ont préféré un mauvais accord à la loi. Force Ouvrière n’est pas rentrée dans ce jeu mortifère, qui a uniquement pour objectif d’affaiblir la négociation collective et donc l’une des facettes du rapport de forces indispensable à la sauvegarde des intérêts des travailleurs.

22 juin 2011 Article de Stéphane Lardy, Secrétaire confédéral