Arrêt maladie et exercice du mandat syndical

, par udfo53

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, par un important arrêt en date du 9 décembre 2010 (Cass. 2e civ., 9 décembre 2010, n°09-17.449), admis que l’exercice d’un mandat représentatif durant un arrêt maladie était susceptible d’avoir une incidence sur le droit aux indemnités journalières de Sécurité sociale.

PERTE DES IDENTITÉS JOURNALIÈRES EN CAS D’EXERCICE DU MANDAT DURANT LA MALADIE !

En l’espèce, un salarié exerçant les fonctions de secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHS-CT), en arrêt maladie depuis le 29 août 2006, est victime, le 19 novembre 2006, d’un accident en sortant d’une réunion du CHS-CT. Il fait parvenir à la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) une déclaration d’accident du travail. La CPAM lui notifie alors une demande de remboursement des indemnités journalières versées depuis le 31 août 2006 car elle considère, en vertu de l’article L. 323-6 du Code de la Sécurité sociale, que le salarié, exerçant son mandat durant la maladie, n’a pas respecté son obligation de s’abstenir de toute activité non autorisée.

Pour rappel, cet article subordonne l’allocation des indemnités journalières à l’obligation pour le bénéficiaire d’observer les prescriptions du praticien, de se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical, de respecter les heures de sorties autorisées par le praticien et de s’abstenir de toute activité non autorisée.

Le salarié saisit alors le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) afin de contester cette décision. Le tribunal le déboute de ses demandes ; il forme alors un pourvoi en cassation.

Le salarié fait valoir qu’en tant que représentant du personnel au CHS-CT, il est investi de ses prérogatives jusqu’à l’expiration effective de son mandat, lequel ne cesse pas du fait de la suspension de son contrat de travail due à la maladie. En effet, il invoque le principe, posé par la Cour de cassation (Cass. crim., 16 juin 1970, n°69-93.132), selon lequel la maladie suspend le contrat de travail du salarié représentant du personnel mais n’entraîne pas la suspension de son mandat. Il ajoute avoir exercé son mandat pendant les heures de sorties autorisées. Enfin, il fait valoir que le temps passé en heures de délégation et en réunions, assimilé par l’article L. 4614-6 du Code du travail à un temps de travail, ne saurait être considéré comme une activité non autorisée telle que l’entend le Code de la Sécurité sociale. En effet, selon l’article L. 4614-6 du Code du travail, le temps passé en heures de délégation est de plein droit considéré comme temps de travail. Est également payé comme temps de travail effectif, le temps passé aux réunions.

Néanmoins, la Cour de cassation le déboute. Les hauts magistrats s’appuient sur le principe, issu des articles L. 321-1 et L. 323-6 du Code de la Sécurité sociale, de l’interdiction de toute activité non autorisée pendant la période d’attribution des indemnités journalières. La Cour de cassation énonce que « l’exercice répété et prolongé de son activité de représentant du personnel étant incompatible avec l’arrêt de travail et le service des indemnités journalières ; le tribunal a exactement déduit que l’assuré avait manqué à son obligation de s’abstenir de toute activité non autorisée ». Par ailleurs, elle précise que le fait que des heures de délégation aient été prises pendant les heures de sorties autorisées ne peut faire exception à l’obligation de s’abstenir de toute activité non autorisée.

C’est donc du fait de son assimilation à du temps de travail effectif et de son caractère prolongé et répété que l’exercice de l’activité de représentant du personnel a été jugé comme étant incompatible avec l’arrêt de travail et le bénéfice des indemnités journalières. Ainsi, il est possible de s’interroger quant au fait de savoir si la solution aurait été similaire dans l’hypothèse où l’exercice du mandat aurait été bref et non répété. À la lecture de la décision rendue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, il est permis de penser que les juges pourraient faire preuve d’une tolérance ponctuelle face à ce type d’hypothèses.

Ce qui est certain, c’est que cet arrêt va considérablement porter atteinte à l’exercice du mandat. En effet, le salarié devra requérir l’autorisation expresse, délivrée par son médecin traitant, d’exercer son mandat pendant son arrêt maladie. Reste à savoir à quelles conditions les médecins valideront la possibilité d’exercer un mandat représentatif…

Dans le doute, le plus prudent sera donc de veiller à ce que le suppléant prenne le relais du titulaire durant son absence. Toutefois, en l’espèce, cette option n’aurait pu être envisagée dans la mesure où, au sein du CHS-CT, aucune suppléance n’a été prévue par le législateur